26/04/2024

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Fidèles de Gnassingbe et déserteurs de l’opposition dominent le nouveau gouvernement

Le Premier ministre Edem Kodjo a présenté son nouveau gouvernement, dominé par des proches du père du président Faure Gnassingbe, qui avait gouverné le Togo pendant 38 ans, et des déserteurs de la coalition d’opposition. La composition du gouvernement de Kodjo, qui compte 30 membres, a été annoncée sur la chaîne de télévision nationale lundi soir. Politicien d’expérience, Kodjo a occupé la fonction de Premier ministre au milieu des années 1990, sous la présidence de feu Gnassingbe Eyadema, le père de l’actuel président.

Le frère aîné de Gnassingbe, Kpatcha Gnassingbe, a été nommé ministre de la Défense. Il s’agit d’une fonction clé au Togo, où l’armée, dominée par le groupe ethnique Kabiye, dont est issu la famille Eyadema, a depuis toujours maintenu les Eyadema au pouvoir.

Kpatcha Gnassingbe dirigeait auparavant la zone franche industrielle de Lomé. Il est connu pour avoir des liens étroits avec l’armée.

Autre figure clé du nouveau gouvernement : le Colonel Pitalouna-Ani Laokpessi, commandant de la gendarmerie dans les années 1990, qui a été accusé à maintes reprises par l’opposition de torturer les prisonniers politiques. Il fait aujourd’hui ses débuts au sein du gouvernement en tant que ministre de la Sécurité.

Gnassingbe a été élu président en avril, à l’issue d’un scrutin controversé, qualifié de frauduleux par l’opposition. L’élection avait suivi la mort soudaine d’Eyadema, deux mois auparavant, alors que celui-ci était encore au pouvoir.

Olusegun Obasanjo, chef d’Etat du Nigeria et actuel président en exercice de l’Union africaine (UA), a tenté en vain de convaincre Gnassingbe et Gilchrist Olympio, leader en exil de l’opposition, de former un gouvernement d’union nationale afin de guider le Togo vers une nouvelle ère de réforme démocratique.

En fin de compte, la coalition des six partis de l’opposition a en grande partie été mise à l’écart du nouveau gouvernement en faveur des fidèles du parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple togolais (RPT) – qui détient la majorité des sièges à l’Assemblée nationale – et d’une poignée de déserteurs de l’opposition.

« Il n’y a aucun membre du bureau national de l’Union des forces de changement (UFC) dans le gouvernement. Si un membre de l’UFC est dans cette équipe, alors il y est à titre personnel », a déclaré Jean Pierre Fabre, secrétaire général de l’UFC, le principal parti de l’opposition, en faisant allusion à la nomination de Gabriel Sassouvi Dosseh-Anyroh, membre de l’UFC, comme ministre de la Culture et du Tourisme.

Pour sa part, Yawovi Agboyibo, leader du Comité d’action pour le renouveau (CAR) et coordinateur officiel de la coalition d’opposition, a accusé Tchessa Abi, le leader du Pacte socialiste pour le renouveau (PSR), d’avoir abandonné la coalition pour devenir ministre de la Justice.

« Depuis le 6 juin, il me dit en termes clairs que son parti ne se reconnaît plus dans la coalition », a déclaré à IRIN Agboyibo.

Agboyibo s’est également dissocié d’Agnele Christine Mensah, une ancienne membre du CAR, son propre parti, qui a été nommée secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Population, des Affaires sociales et de la Promotion féminine.

« Mensah a quitté le CAR en 1998. Elle n’est plus, à présent, qu’une représentante de la société civile ! », a déclaré le leader de l’opposition.

Selon les résultats officiels, Gnassingbe a obtenu 60 pour cent des voix à l’issue de la présidentielle du 24 avril, contre 38 pour cent pour Emmanuel Bob-Akitani, le candidat de l’opposition unifiée.

L’annonce des résultats a été suivie d’une flambée de violence politique qui a contraint plus de 36 000 habitants à se réfugier au Ghana et au Bénin, des pays voisins.

Bien qu’Obasanjo ait pu organiser deux réunions entre Gnassingbe et Olympio à Abuja, la coalition a refusé d’accepter la victoire électorale de Gnassingbe et de faire partie d’un gouvernement d’union nationale avant que de nouvelles élections ne soient organisées.

Gnassingbe, dont l’élection a été validée par l’UA et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a rejeté catégoriquement les demandes de l’opposition.

Le porte-parole officiel du président ne s’est pas exprimé mardi au sujet du nouveau gouvernement. Néanmoins, Richard Atippoe, membre du comité central du RPT, le parti au pouvoir, a exprimé un optimisme mesuré. « C’est une bonne chose que le gouvernement ait été formé et nous espérons que cela débloquera la situation », a déclaré Atippoe. « Quant à la composition du gouvernement, je dirai ceci : c’est en contemplant son travail qu’on peut juger de l’habileté de l’artisan ».

Les diplomates occidentaux, qui avaient cessé de soutenir le gouvernement de Gnassingbe père pour protester contre l’absence de démocratie et la mauvaise gouvernance au Togo, ont accueilli avec réserve le nouveau gouvernement. « Bien sûr la plupart des membres du gouvernement sont des fidèles d’Eyadema, mais il y a assez de nouveaux arrivés pour que l’on puisse espérer un progrès », a déclaré un diplomate à IRIN. « Mais tout dépend des pouvoirs réels du Premier ministre au sein de ce gouvernement », a-t-il averti. « Nous verrons avec le temps. »

Le Premier ministre Kodjo devra en premier lieu tenter de convaincre les réfugiés qui ont fui vers le Togo et le Bénin qu’ils ne seront plus en danger chez eux.

Les réfugiés affirment avoir fui par peur des persécutions et du harcèlement des forces de sécurité, toutefois le gouvernement a rejeté ces allégations à plusieurs reprises. Les autorités maintiennent que la plupart des réfugiés ont fui pour des raisons économiques ou bien par peur d’être arrêtés pour vandalisme. Le gouvernement togolais a établi une commission chargée de déterminer les causes des violences qui ont suivi l’élection. Mais lundi, la Ligue togolaise des droits de l’homme (LTDH), une organisation proche de la coalition, a déclaré avoir refusé de faire partie de la commission. Togoata Ayayi Apedo-Amah, le secrétaire général de la LTDH a déclaré : « Nous ne pouvons pas faire partie de cette commission, créée par Faure Gnassingbe. Nous avions demandé une commission d’enquête indépendante et internationale. Cette commission n’est pas indépendante. Qui plus est, beaucoup de ses membres sont des proches du gouvernement. » « Parmi les personnes nommées pour en faire partie, huit sur dix ont des liens avec la dictature militaire », a-t-il poursuivi. La commission est dirigée par Joseph Kokou Koffigoh, Premier ministre sous Eyadema, qui avait mené une première tentative de réforme démocratique au début des années 1990.

Apedo-Amah s’est insurgé : « Les victimes ne pourront pas parler librement si elles craignent d’être livrées aux soldats ! » Selon les estimations de la LTDH, 810 personnes ont trouvé la mort pendant la flambée de violence post-électorale. Une autre organisation de défense des droits de l’homme, proche du gouvernement, annonçait quant à elle un total de 58 morts.

La commission a un délai de trois mois pour remettre ses conclusions, qui seront rendues publiques.

Quant à la commission des Nations unies chargée d’enquêter sur les violences post-électorales, elle a terminé vendredi dernier une enquête qui avait duré deux semaines.

Son rapport sera soumis à Louise Arbour, Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, avant d’être rendu public, dans les semaines à venir.

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