18/04/2024

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INTERVIEW Pr GU-KONU du 21/04/03

Professeur Gu-Konu, Premier Secrétaire de la CDPA-BT

Entretien réalisé le 21-04-03 par LETOGOLAIS.COM

LETOGOLAIS.COM : Monsieur le Professeur, si je puis me permettre, vous présentez un double handicap dans le paysage politique togolais : vos positions atypiques, et la très faible audience de votre parti. Cette rapide caractérisation vous convient-elle ?

M. GU-KONU : Nos positions ne sont pas les mêmes que celles soutenues par le courant dominant de la politique d’opposition. Nous faisons donc partie du courant minoritaire de l’opposition togolaise. Voici plus de 12 ans que le courant dominant opère. Au lieu de l’objectif de la fin de la dictature pour l’instauration de la démocratie, c’est une restauration complète du vieux régime d’oppression que nous voyons aujourd’hui avec détresse. Et au lieu de l’abolition de la dictature, c’est vers une cohabitation avec elle que nous mène inexorablement ce courant dominant de l’opposition. Ce n’est pas parce qu’une politique fait foule qu’elle est forcément juste. Et un courant minoritaire n’a pas forcément tort parce qu’il est minoritaire. Notre ambition est d’arriver à convaincre sur la nécessité de changer de politique d’opposition.

LETOGOLAIS.COM : Cependant, à votre honneur, des prise de positions constantes et logiques. Mais, en politique, dans une stratégie de prise de pouvoir, cette attitude ne manque-t-elle pas d’efficience ?

M. GU-KONU : Notre politique n’est justement pas commandée par une stratégie du pouvoir tout de suite mais par une stratégie de lutte pour la fin du pouvoir despotique tout de suite. Si les leaders des partis qui conduisent la politique d’opposition dominante n’avaient pas confondu la course partisane pour la prise du pouvoir tout de suite avec la lutte pour la fin du régime, l’union de l’opposition aurait été réalisée depuis longtemps et nous aurions pu mettre déjà fin au régime de dictature, pour pouvoir instaurer la démocratie dans le pays.

LETOGOLAIS.COM : Quand vous affirmez que des élections ne constituent pas la solution à la crise togolaise, quelle autre solution proposez-vous ?

M. GU-KONU : Vous schématisez notre position. Elle est plus nuancée. Nous disons que des élections organisées par un régime despotique qui n’entend pas quitter le pouvoir, ou même par une CENI paritaire sans pouvoir réel dans les conditions de la situation politique spécifique du Togo ne peuvent pas permettre aux Togolais de mettre un terme au régime de dictature.
Que proposons-nous ? Ce n’est pas par des élections que les Togolais ont obtenu le multipartisme, la liberté de la presse, la liberté de réunion, autant d’acquis démocratiques que la politique d’opposition dominante ne parvient pas à protéger et à défendre, et que le régime précarise sans cesse.
Les élections sont une condition nécessaire pour réaliser l’alternance démocratique au pouvoir dans un régime démocratique. Mais le régime politique togolais n’est pas un régime démocratique. La force de l’opposition dans un régime de dictature réside d’abord dans la force organisée (nous ne disons pas forcément la force armée) de la masse soumise à l’oppression.

LETOGOLAIS.COM : Quel diagnostic faites-vous des forces politiques en présence au Togo, de leurs objectifs et de leurs stratégies ?

M. GU-KONU : Le rapport des forces politiques est en défaveur de l’opposition. L’objectif de la prise partisane ou individuelle du pouvoir et la stratégie fondée sur la compétition entre partis d’opposition pour y parvenir ne peuvent pas permettre aux Togolais de mettre fin au régime d’oppression pour pouvoir instaurer la démocratie et l’Etat de droit dans le pays. L’expérience des 12 années de politique d’opposition fondée sur ces bases le montre bien .

LETOGOLAIS.COM : Dès 1993, vous avez mis en relief dans un document intitulé « L’échec d’une transition. Les nouvelles perspectives de la démocratisation au Togo », les complaisances de certains leaders de l’opposition envers la dictature. Sur quels éléments fondiez-vous vos jugements ?

M. GU-KONU : La revendication posée par les Togolais en 1990 n’est pas la cohabitation avec le régime, ou le partage du pouvoir despotique avec lui d’une façon ou d’une autre.

LETOGOLAIS.COM : Vos analyses sont-elles toujours de mise au moment où une frange de l’opposition coopère avec le pouvoir dans l’organisation des futures élections présidentielles ?

M. GU-KONU : Si, comme vous le dites, une frange de l’opposition coopère avec le pouvoir à l’organisation des futures élections présidentielles, cela ne veut pas dire que la situation politique a changé, ni que les Togolais ont réussi à mettre fin au régime de dictature, ni que le rapport des forces est devenu plus favorable à l’opposition.
Le problème porté dans la rue par les Togolais en octobre 1990 reste toujours posé. C’est celui de la fin du régime d’oppression et l’instauration de la démocratie dans le pays. Les togolais ont-ils trouvé une réponse à ce problème ? Si non, faut-il le laisser de côté parce qu’on n’arrive pas à le résoudre avec une politique inappropriée et choisir de cohabiter avec le régime de dictature faute de mieux ?

LETOGOLAIS.COM : Que pensez-vous de toute l’agitation actuelle à propos des prochaines élections présidentielles : la candidature de Gilchrist Olympio et les arguments juridiques qu’il avance ? l’imbroglio de la CFD à désigner un candidat ?

M. GU-KONU : On aurait dû consacrer toutes ces énergies à informer le Togo profond, à expliquer à la population les problèmes réels de la situation politique, à la soutenir pour qu’elle ne se décourage pas, bref à faire un travail de mobilisation c’est-à-dire de responsabilisation politique pour favoriser l’émergence d’une force politique massive.

LETOGOLAIS.COM : N’est-il pas paradoxal pour l’opposition togolaise de vouloir favoriser une alternance du pouvoir par les urnes, donc de manière démocratique, dans un contexte de dictature et de totalitarisme ?

M. GU-KONU : C’est ce qu’il faut faire comprendre aux Togolais pour éviter les désillusions et leurs conséquences désastreuses sur la lutte pour la fin de la dictature et pour l’instauration de la démocratie dans le pays. Ce n’est pas facile. Mais c’est ce qu’il faut faire.

LETOGOLAIS.COM : Comment analysez-vous le rôle de la France, singulièrement de Jacques Chirac dans la crise togolaise ?

M. GU-KONU : Pas de commentaire.

LETOGOLAIS.COM : Très concrètement, que faire, ou comment procéder pour hâter l’alternance au pouvoir dans le pays.

M. GU-KONU : Il faut changer la politique d’opposition dominante.

LETOGOLAIS.COM : Nous vous remercions..