16/04/2024

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L’Ancien doyen de la Fac de droit d’Aix, vedette d’une longue procédure judiciaire pour son rôle trouble dans la fondation Vasarely, ex-conseiller de Giscard et « conseiller spécial » du général EYADEMA, Charles Debbasch s’est beaucoup activé au palais présidentiel de Lomé, dans les heures qui ont suivi la mort du Président togolais. A en croire des proches du disparu, le « doyen » Debbasch – qui a contribué à rédiger la Constitution du pays se vante d’avoir inspiré le tour de passe-passe juridique qui a permis à Faure Gnassingbé de succéder à son père. Il a d’ailleurs assisté, en bonne place, à son intronisation.

Debbasch n’est pas le seul Français à avoir succombé au charme du défunt dictateur. D’autres juristes, comme jacques Vergès, avocat du général, ainsi que des publicitaires (Thierry Saussez ou Jacques Séguela), ont prodigué des conseils de droit, voire de démocratie au général togolais. Et pourquoi pas d’éthique ?

Amateur de caviar et de champagne rosé, l’homme, il est vrai, savait recevoir. Et rétribuer les bonnes volontés. Sa fortune, largement due aux énormes recettes des phosphates togolais, n’était-elle pas estimée à plus de 5 milliards de francs dans les années 90 ?

Sûrement animés par de plus nobles motifs, beaucoup d’hommes politiques ont imité CHIRAC : Charles PASQUA, Bernard DEBRE, Michel ROUSSIN, l’ancien patron des armées Jeannou LACAZE, Rolland DUMAS, ont souvent pris l’avion pour visiter le « vieux sage africain ». Et, c’est connu, la sagesse n’a pas de prix.

EYADEMA, l’encombrant « ami personnel » de CHIRAC

Il n’a jamais écouté les conseils de son copain de trente ans : renoncer aux exactions, à la présidence à vie…. Et dissoudre l’Assemblée.

En saluant, le 5 Février, après la disparition d’EYADEMA, président du Togo, un « ami de la France » et un « ami personnel », CHIRAC a laissé parler son grand cœur avant toute autre considération. A croire que le Président manque de conseillers politiques ou « africains » pour lui éviter de commettre cette gaffe de portée internationale. Car cet étalage d’intimité fait un peu désordre, au moment où les « hommages » posthumes rappellent le peu de cas que le défunt général faisait de la démocratie, des droits de l’homme. Et au moment où les médias, longtemps indulgents, ne se gênent plus pour le traiter de « dictateur » et d’ assassin de l’ancien président « Sylvanus Olympio ».

Jamais effarouché par les chefs de régimes autoritaires (Saddam Hussein, Hassan II, Poutine, le Chinois Jiang Zemin, le Tunisien Ben Ali, etc.), capable d’oublier les obsèques du Sénégalais Senghor mais pas celles du Syrien Assad, CHIRAC entretenait une relation privilégiée avec EYADEMA. De la même génération, à trois ans près, les deux hommes ont commencé leur carrière politique en 1967. Mais alors qu’Eyadéma occupe déjà le fauteuil de président, Chirac n’est que secrétaire d’Etat à l’emploi.

C’est à partir de 1974, lorsqu’il arrive à Matignon et participe à ses premiers sommets franco-africains, que Chirac fait la connaissance du jeune Eyadéma. Et d’une fameuse « promo » africaine, parvenue en même temps qu’eux au pouvoir : Bongo, Mobutu et Bokassa ! Le courant passe vite entre les deux hommes, qui ont au moins un souvenir en commun :

La guerre d’Algérie, l’un comme officier, l’autre comme simple sergent de la « coloniale ». Leur amitié va grandir, au point qu’au début des années 90, durant sa traversée du désert, Chirac avouera téléphoner parfois quotidiennement à son copain Gnassingbé.

Comme Giscard et Mitterrand avant lui, Chirac poursuit une généreuse politique de coopération militaire avec Lomé. Conseillers, instructeurs et même responsables des achats d’armements serviront sous l’uniforme togolais et , à plusieurs reprise, aideront Eyadéma à se sortir de tentatives de putsch. Une complicité un peu voyante lorsque – périodiquement – Amnesty International, la Ligue Togolaise des droits de l’homme, voire l’Union européenne dénoncent les exactions de l’armée.

En 1999, après un rapport impressionnant d’Amnesty qualifiant le régime d’Etat de terreur », Chirac, en visite à Lomé, se fâche tout rouge et clame que le

« le Togo a eu raison de porter plainte » contre « cette opération de manipulation ». En privé, il réconforte son hôte calomnié et lui prodigue l’une de ses recettes magiques pour détendre l’atmosphère politique : dissoudre l’Assemblée !

Un conseil sans suite, tout comme ses exhortations à démocratiser le régime : sur six élections présidentielles, Eyadéma à quatre reprises récoltera plus de 95 % des voix. Mais, comme celui-ci l’a confié jadis à « Jeune afrique » : « Dès mon arrivée, j’étais partisan du multipartisme. Mais si vous décidez de le faire seul, on vous accuse d’être un dictateur. »

La fin du régime d’Eyadéma est un triomphe pour la politique africaine de Chirac : en 2OO3, le Togolais s’assoit sur la Constitution et sur la promesse faite à son ami de trente ans de ne pas se représenter pour la sixième fois à la présidentielle. Deux ans plus tard, les lois du pays seront à nouveau bidouillées pour permettre à Faure Gnassingbé, l’héritier choisi par l’armée, de succéder au défunt.

Comme l’a déclaré Faure, deux jours plus tard, lors de sa prestation de serment : « Je jure défendre la Constitution que le peuple togolais s’est librement donnée. » Un digne fils à papa !

Canard enchaîné du Mercredi 09/02/05