Jacques Chirac n’est pas venu à Lomé dire adieu à son «ami personnel», l’ancien président du Togo, le général Eyadéma, décédé brutalement, le 5 février, après trente-huit ans d’un règne sans partage. Soutenu jusqu’au bout par Paris, l’ancien sergent de la coloniale a été enterré en grande pompe, hier dans la capitale togolaise, selon le culte protestant de l’Eglise évangélique et presbytérienne du Togo, dont il était membre. Le long du parcours du cortège funèbre, on pouvait lire sur de nombreuses banderoles : «Papa Eyadéma du haut des cieux protégez toujours votre peuple.» L’ancien président devrait être inhumé demain dans son village natal de Pya, dans le nord du pays.
Tractations. Retenu officiellement à Paris en raison d’«un agenda surchargé» selon l’Elysée, le président français s’est fait représenter aux funérailles du «Vieux Baobab» par le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, et par son conseiller pour les affaires africaines, Michel de Bonnecorse. La venue de Chirac à Lomé était politiquement trop sensible : l’opposition et une partie importante de la population togolaise reprochent au chef de l’Etat français d’avoir couvert toutes les dérives d’un régime accusé de graves violations des droits de l’homme.
Les obsèques d’Eyadéma se sont déroulées sur fond d’intenses tractations politiques pour tenter d’éviter une guerre civile au Togo. Dans un premier temps, l’armée avait confié le pouvoir à son fils, Faure Gnassingbé, suscitant de fortes tensions à Lomé et la réprobation unanime de la communauté internationale. Sous la pression des Etats africains, les généraux ont dû faire machine arrière et une élection présidentielle doit se tenir le 24 avril.
Trois candidats se sont déjà déclarés : «l’héritier» Faure Gnassingbé, mais aussi l’ancien secrétaire d’Etat français à l’Intégration (d’origine togolaise) Kofi Yamgnane et un homme d’affaires, Nicolas Lawson. Tout en demandant un report du scrutin, six partis d’opposition tentent, par ailleurs, de présenter un candidat commun. Gilchrist Olympio, le vieil adversaire d’Eyadéma et figure de proue de l’opposition, ménage le suspens quant à sa possible entrée en lice. En exil à Paris depuis un attentat en 1992, le fils du premier président togolais, assassiné en 1963, a annoncé sa venue, la semaine prochaine, à Lomé.
A la veille des obsèques d’Eyadéma, le conseiller de Jacques Chirac, Michel de Bonnecorse, a rencontré plusieurs dirigeants de l’opposition pour essayer de les persuader de participer aux élections.
Sortie de crise. Selon une source diplomatique, le scénario idéal pour Paris serait un partage du pouvoir à Lomé. L’élection à la présidence de Faure Gnassingbé rassurerait le noyau dur de l’armée, tandis que l’opposition pourrait remporter les législatives organisées dans la foulée et gouverner le pays.
Cette possible sortie de crise est dénoncée à l’avance par un proche de Gilchrist Olympio : «Le pays rejette massivement le clan Eyadéma. Si Faure est élu, ce sera forcément au prix de fraudes massives et la population se soulèvera.» A Paris, on a beau jurer que «l’époque où la France jouait les faiseurs de roi est révolue», la plupart des acteurs politiques togolais se tournent toujours vers elle pour savoir de quoi demain sera fait.
Par Thomas HOFNUNG
Liberation
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