25/04/2024

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Mémorandum des organisations de la société civile : pour un compromis politique global

POUR UN COMPROMIS POLITIQUE GLOBAL, LA PAIX ET LA RECONCILIATION AU TOGO

Préambule

Nous, responsables et animateurs des organisations de citoyens, acteurs indépendants, évoluant dans divers secteurs socio-économiques de notre pays,
– Ayant foi aux valeurs de la démocratie et de l’Etat de droit,
– Engagés aux côtés du peuple togolais pour l’édification d’une société démocratique, solidaire et pacifique,
– Convaincus, tel que énoncé dans la Loi fondamentale adoptée par référendum par les fils et filles de notre pays, que l’Etat de droit ne peut être fondé que sur le pluralisme politique, les principes de la Démocratie et de la protection des droits de la personne :

Ø Nous engageons à contribuer à la résolution durable de la crise politique qui sévit dans notre pays depuis de nombreuses années ;
Ø Affirmons notre détermination à défendre la cause des populations togolaises, en toute intégrité et dans la totale impartialité.

I- De la nature de la crise que vit le Togo

A l’instar d’autres peuples, le peuple togolais s’est mobilisé dès 1990 pour revendiquer des réformes politiques devant aboutir à l’instauration d’un Etat de droit. Cette revendication s’est effectuée sous la forme de soulèvements populaires, de grèves, de dénonciations mais aussi de négociations.

Le jeu politique a connu plusieurs soubresauts et des tentatives infructueuses de compromis :
· Une conférence des forces vives a été organisée en juillet-août 1991 ; elle a abouti à la mise en place d’un exécutif et d’un parlement de transition ;
· Plusieurs partis politiques ont été créés ;
· La transition a donné lieu à de multiples conflits entre le pouvoir RPT et l’opposition. Elle a échoué ;
· Une grève décidée par des mouvements de l’oppositon à partir de novembre 1992 a duré environ neuf mois ; des milliers de Togolais ont quitté le pays pour se réfugier dans les pays voisins ou s’exiler à l’étranger ;
· Des manifestations organisées par l’oppotion ont été violemment réprimées, faisant plusieurs morts et blessés ;
· Les élections présidentielles organisées en août 1993, suite à l’Accord de Ouagadougou ont été boycottées par l’opposition, qui dénonçait le défaut de transparence du scrutin ;
· Les élections législatives tenues en février 1994 ont été remportées par l’opposition ; elles ont conduit à une forme de cohabitation heurtée jusqu’en 1996 ;
· L’élection présidentielle du 21 juin 1998 a été caractérisée par des fraudes décelées par des observateurs étrangers ; le scrutin est « sorti de son cadre légal », selon l’Union européenne, principal bailleur de fonds ;
· L’opposition et le pouvoir sont parvenus à un accord politique à l’issue du Dialogue intertogolais en juillet 1999 ; le Comité paritaire de suivi et la Commission électorale nationale indépendante issu de l’Accord cadre de Lomé ont été bloqués dans leur fonctionnement ; les élections législatives organisées par le gouvernement ont été boycottées par l’opposition ; une assemblée composée exclusivement de députés du RPT a été mise en place ;
· Le Dialogue politique est rompu entre le pouvoir et l’opposition jusqu’à la tenue d’une nouvelle élection présidentielle le 1er juin 2003 ; l’opposition et des organisations de la société civile ont dénoncé les conditions d’organisation et les irrégularités qui ont émaillé le scrutin.

II- Des effets de la crise sur le pays et ses habitants

La crise qui déchire le Togo depuis plus de treize ans est politique. Les divergences au sein de la classe politique portent atteinte à la paix sociale et à la sécurité des citoyens. Les conséquences de cette situation sur la vie socio-économique de même que sur le fonctionnement des insitutions sont nombreuses.

Sur le plan social :

· Le chômage, l’insécurité alimentaire, la pauvreté, les maladies, la débauche et de nombreux autres fléaux sociaux déchirent notre société.
· L’Etat a démissionné de la plupart de ses obligations envers les populations, engendrant la précarité et des fractures sociales aux conséquences incalculables.
· Dans plusieurs localités du pays, des citoyennes et citoyens sont victimes de tortures et d’autres formes de traitements cruels, inhumains et dégradants.
· Les libertés publiques fondamentales sont bafouées, notamment la liberté d’association, de manifestation, de réunion. Les activités des partis politiques et des organisations indépendantes sont compromises par des mesures policières draconiennes.
· La liberté de presse fait l’objet de fréquentes violations, de restrictions légales et d’immixtions indues des pouvoirs publics.
· La jeunesse togolaise est victime d’exploitations, de manipulations politiques et de prévarications morales.
· Les droits et intérêts des travailleurs sont violés tant au plan salarial qu’au plan syndical.
· La justice est instrumentalisée au service du pouvoir exécutif et des tenants du pouvoir.

Sur le plan économique :
· Nous notons l’augmentation de la corruption, dans ses différentes manifestations.
· Les marchés publics sont conclus sans aucune garantie de transparence, notamment dans le cadre des privatisations d’entreprises publiques.
· La liberté d’entreprise est violée par des pratiques de clientélisme, de népotisme et des contraintes politiques.
· Le niveau de vie du Togolais ne fait que baisser, et les inégalités entre riches et pauvres se creusent.

Sur le plan institutionnel :
La polarisation de la vie politique et la domination du parti au pouvoir entachent les institutions de l’Etat.

· La totalité des députés de l’Assemblée nationale en place appartient au parti RPT. Le pouvoir législatif n’est pas représentatif des diversités politiques et sociales du pays.
· Le gouvernement et l’Administration publique recèlent d’anachronismes récurrents. Le parti au pouvoir régit toutes les activités.
· La cour constitutionnelle, supposée plus haute juridiction de l’Etat, garante des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques est entièrement composée des militants du parti au pouvoir.
· Le pouvoir judiciaire, supposé garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens est inféodé au pouvoir exécutif. Le Haut conseil de la magistrature est contrôlé par des militants du RPT.
· La cour suprême, haute juridiction de l’Etat en matière judiciaire et administrative, est composée dans ses deux chambres par des magistrats connus pour leur dévouement au régime.
· La Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC), en charge de la protection de la presse et des autres moyens de communication de masse a montré ses limites. Les médias d’Etat sont entre les mains des dirigeants ; les médias privés subissent des brimades et harcèlements en tous genres.
· La Commission nationale des droits de l’homme, chargée de la protection et de la promotion des droits des citoyens reste un instrument entre les mains des autorités.

III- De la société civile et de sa position face à la crise

Les organisations de la société civile du Togo, signataires du présent mémorandum sont des organisations de citoyennes et citoyens, libres et impartiales, motivées par l’amour de la patrie et l’attachement à la démocratie.

Notre raison d’être, notre légitimité et nos actions en faveur du Togo se fondent sur :
Ø La Charte des Nations Unies,
Ø La Déclaration universelle des droits de l’homme,
Ø Le pacte international relatif aux droits civils et politiques, et
Ø La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Les mouvements sociaux du Togo regroupent des Togolais de diverses origines, sans distinction d’opinion, de sexe, de religion et de condition sociale ; établis au Togo ou l’étranger. Tous s’engagent à oeuvrer par tous les moyens, à l’avènement d’une société de justice, de paix, de démocratie et de bien-être pour tous.
– Ils saluent les efforts de la communauté internationale, en l’occurence ceux de l’Union Européenne, pour le respect des principes démocratiques et des droits de l’homme.
– Ils sont disposés à s’impliquer dans toute recherche de solution à la crise politique.

Les acteurs des mouvements sociaux du Togo constatent que, quoique la crise soit politique dans son essence, ses manifestations et ses incidences sur les populations sont les plus dramatiques. Aussi en tirant les leçons du passé, en appellent-ils à la mobilisation et à l’implication sans exclusive des organisations et des personnalités indépendantes. Il s’agit de représentants de:

Ø Associations et ONG évoluant dans les domaines de la défense et de la promotion des droits humains, de la démocratie et de l’Etat de droit ;
Ø Leaders des organisations religieuses ;
Ø Responsables des organisations de travailleurs, syndicats autonomes et centrales ;
Ø Personnalités issues des organisations des Togolais de l’extéieur, les plus motivées pour l’avenir du Togo.

D’ores et déjà, les concertations entre ces différents acteurs indépendants permettent d’entrevoir des actions et propositions permettant de canaliser les forces politiques adverses, transcender les rivalités habituelles et définir un nouveau cadre de débat démocratique en vue de colmater les profondes divergences entre les acteurs politiques partisans.

IV- Des conditions de base d’un dialogue politique réussi

Les organisations signataires du mémorandum ont en mémoire les expériences passées de tentatives de conciliation entre les acteurs politiques du Togo. Elles relèvent que les accords politiques antérieurs ont échoué pour deux raisons principales :
– l’absence de volonté politique réelle,
– l’inadéquation des mesures d’application, de mise en oeuvre et de suivi des compromis.

Les organisations citoyennes du Togo conviennent, qu’au regard de la gravité de la situation du pays, un minimum de précautions et de garanties est indispensable pour un dialogue vrai et constructif.

Elles recommandent :

1- La tenue de négociations générales
Toutes les formations politiques du pouvoir et de l’opposition et la société civile doivent se pencher sur les dimensions multiples de la crise qui secoue le Togo. Il s’agit d’aller au delà des consultations avec l’Union européenne et recréer les conditions de normalisation politique. Ces négociations doivent aboutir à un Compromis politique global. En clair, les acteurs politiques et sociaux du Togo devront parvenir à un accord qui règle durablement ou régit :

Ø Toutes les questions relatives à l’élection des dirigeants et la mise en place des institutions démocratiques crédibles ;
Ø Des mesures adéquates pour le soutien au pluralisme et le fonctionnement des partis politiques, ainsi que le statut de l’opposition ;
Ø La protection des libertés publiques et individuelles ;
Ø Des mesures relatives aux anciens dirigeants ;
Ø La mise en place d’une « Commission vérité réconciliation » sur les crimes politiques et économiques ;
Ø Des mesures pour le contrôle des forces armées et de sécurité.

2- Alternance politique et transition vers la démocratie
L’ouverture de nouvelles négociations intertogolaises est soumise à l’acceptation par toutes les parties de la finalité qu’est l’alternance politique. L’ensemble des partenaires au dialogue doivent adhérer au principe incontournable de renouvellement de la classe dirigeante et la mise en place de structures devant conduire la transition vers un Etat de droit véritable.

3- Engagements de la communauté internationale
Il est impérieux que l’Union européenne, les Nations Unies et l’Union africaine s’engagent à veiller à la mise en oeuvre des conclusions de l’accord politique. Cet engagement doit prendre en compte la sécurité des acteurs politiques et sociaux, l’expertise internationale d’appui à la transition démocratique, les partenariats pour le développement socio-économique et un plan de suivi de la transition jusqu’aux élections générales et la stabilité institutionnelle et sociale au Togo.

Conclusion
Les acteurs de la société civile, engagés dans le processus de mobilisation citoyennne pour l’avenir du Togo, sont prêts à mettre en jeu les compétences et expertises togolaises à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, pour mettre fin à cette crise qui a trop duré.

Saluant l’initiative des autorités européennes d’ouvrir des consultations sur la situation politique au Togo, la Concertation nationale de la société civile (CNSC) et la Daispora togolaise pour la démocratie et le développement (DIASTODE) agissant au nom des acteurs indépendants des Togolais du pays et de la diaspora, souhaiteraient mandater une délégation de dix personnalités à ces assises. Elles seront représentatives des ONG, associations, syndicats, organisations religieuses et des Togolais de l’extérieur.

Les acteurs de la société civile sont disposés à proposer en temps utile un PLAN DETAILLE DE SORTIE DE CRISE, issu des consultations entre les organisations citoyennes du pays et de la diaspora.

Fait à Lomé le 04 mars 2004

Pour la CNSC
Dany Komla AYIDA
Coordinateur

Pour DIASTODE
Micheline RANDOLPH
Vice-Présidente