Depuis le début des années 1990 notre pays, le Togo, est devenu le théâtre d’une crise socio-politique sans précédent dont l’issue paraît encore incertaine tant les acteurs de la vie politique semblent avoir perdu le sens des intérêts supérieurs de la Nation. Alors que le peuple tout entier attendait d’eux qu’ils parviennent à un accord politique permettant d’engager définitivement le Togo sur la voie de la démocratisation et d’un nouveau développement économique et social, les acteurs politiques togolais ont pris de graves libertés avec les engagements successifs auxquels ils ont souscrits en vue d’une heureuse sortie de crise. Des accords du 12 Juin 1991 à l’Accord Cadre de Lomé (ACL) signé le 29 Juillet 1999, les hommes politiques ont fait montre de la même mauvaise volonté politique avec comme conséquences déplorables la déliquescence de l’Etat, le délabrement du tissu social, le déclin de l’économie, la paupérisation et la misère des populations, (plus de 70 % des ménages sont pauvres suivant les critères de l’ONU). Les togolais ont payé cher les légèretés et les turpitudes des hommes politiques puisque le niveau de vie a globalement baissé de 30 % environ, au cours des 20 dernières années. Tous ces maux combinés ont fait du Togo un Etat paria sur la scène politique africaine et internationale.
La vie quotidienne, aujourd’hui, dans nos villes et dans nos villages, traduit de façon éloquente la détresse dans laquelle a sombré tout un peuple, devant une classe politique visiblement insoucieuse ou tout simplement incapable.
Or pendant ce temps, le reste du monde s’est engagé de façon accélérée, dans des mutations économiques, technologiques, financières, culturelles et sociales profondes dont seules peuvent tirer profit les nations intelligemment organisées et capables de surmonter leurs inévitables crises de croissance pour retrouver, par-delà celles-ci, de nouvelles zones de stabilité.
Face à une telle situation, les citoyens de bonne volonté qui aiment leur pays ne sauraient rester indifférents, ni se réfugier dans l’attentisme, ni garder le silence sur les dangers qui menacent ainsi la Nation togolaise. C’est ainsi que deux cris de cœur furent lancés dans le courant de l’année 2002 : l’un pour clamer que dans un pays civilisé comme est censé l’être le nôtre, les politiques publiques centrées sur l’être humain et le citoyen devraient pouvoir être conçues et réalisées de manière plus correcte qu’on ne le voit aujourd’hui, par des hommes et des femmes dont on ne devrait pas douter de leur capacité à reconnaître en leurs concitoyens des frères à aimer et respecter et non pas des ennemis à détester et à détruire ; l’autre pour réveiller les esprits en les éveillant à la triste réalité de la gestion inappropriée qui est faite de la chose publique en général et des ressources nationales en particulier.
Malheureusement ces deux cris, qui sont finalement apparus comme étant simplement le prolongement audible d’une vaste gamme de soupirs inaudibles difficilement contenus dans les cœurs des togolaises et des togolais, ont été rejetés, hués, conspués, présentés comme l’expression du mal absolu dans notre nation. On s’employa, avec l’énergie du désespoir, à contraindre constamment un peuple désabusé et désarmé à clamer, à longueur de journées, que chez lui, le blanc c’est du noir et que le mal c’est du bien ou encore que la liberté et l’esclavage sont une seule et même heureuse chose.
Chers compatriotes,
je crois sincèrement aujourd’hui qu’il arrive toujours, dans la vie des individus comme dans celle des peuples, un moment pour dire : « Non ! » Non à la confusion, non au mensonge, non au mal ! Je pense aussi sincèrement que ce moment est venu pour moi et pour vous , aujourd’hui.
Mon « non », je l’ai déjà dit, vous le savez. Je l’ai donné à la vie et je ne le reprendrai plus. C’est lui qui me conduit aujourd’hui, après concertation avec mes compagnons Rénovateurs et avec les responsables des partis politiques acquis autant que nous à l’idée de la nécessaire rénovation de la vie politique nationale, à oser me porter candidat à la magistrature suprême de notre pays, à l ‘occasion de la prochaine élection présidentielle.
Votre « non », vous êtes appelés à le dire à l’échéance du prochain scrutin, le 1er juin 2003. Je vous invite à le dire en choisissant l’emblème représenté par les deux mains ouvertes humblement mais avec ferveur et détermination pour accueillir et protéger une colombe, symbole de la paix qui nous vient de Dieu et que nous devons construire dans la justice et dans la vérité. Quand vous l’aurez fait ainsi, ce sera le point de départ d’un contrat de confiance entre vous et moi. Vous me connaissez assez bien pour savoir que ce que nous aurons écrit ensemble dans ce contrat, je l’accomplirai, point par point, avec votre soutien, sous votre contrôle et l’autorité de la loi.
Voici, chers compatriotes, les termes de ce contrat que je vous propose.
Comme votre Président, je ferai prendre par le gouvernement les mesures suivantes :
1. Le versement des pensions de retraite en retard, des bourses d’étude non versées, des arriérés de salaires et le rétablissement de leur versement régulier. Ces trois règlements seront faits grâce aux économies à réaliser sur les dépenses inutiles ou ostentatoires
2. La réhabilitation des hôpitaux, des centres de santé et des dispensaires, d’abord avec nos ressources et grâce à l’aide extérieure qui sera rendue disponible dès lors que le nouveau gouvernement que je mettrai en place sera jugé crédible et en fera la demande.
3. La réhabilitation de tous les centres d’enseignement public et le rétablissement de la gratuité de la scolarité obligatoire, grâce à un programme d’appui de l’aide extérieure toujours prête à intervenir dans l’éducation comme dans la santé, à condition que cette aide ne soit pas détournée. Une politique judicieuse sera initiée et menée en faveur de l’enseignement privé laïc et confessionnel pour le rendre encore plus performant.
4. La réconciliation nationale : elle se fera entre Togolais, elle se fera en profondeur, de façon à permettre à chaque togolaise et à chaque togolais de se sentir appartenir à une même patrie, « la terre de nos aïeux », sur laquelle il a droit à la sécurité et à la liberté, à la vérité et à la justice ; de façon aussi à permettre à tous les Togolais de continuer à vivre ensemble et à bâtir ensemble leur commune patrie, à tirer ensemble profit de leur travail dans l’égalité, dans la fraternité et dans l’amour.
5. a réconciliation de l’Armée togolaise avec son peuple et sa nation, soutenue fortement par un programme de réhabilitation de l’institution militaire et de revalorisation de la carrière des agents des forces de sécurité.
6. La restauration de l’ordre constitutionnel instauré par la constitution du 14 octobre 1992, votée par une très grande majorité de Togolais. L’objectif est d’asseoir la réconciliation nationale sur une base assainie et d’introduire définitivement dans l’espace public deux notions fondamentales qui me tiennent à cœur : l’indépendance des différents pouvoirs d’Etat et le respect des droits humains et des citoyens.
7. La reprise des réformes macroéconomiques conformément aux engagements que le Togo a pris devant la communauté internationale, à condition, toutefois, que ces réformes n’entrent pas en conflit avec les intérêts vitaux des populations. Un volet important de ces réformes sera la décentralisation : le but visé est la relance du développement, lequel devra être intégré dans une approche participative et rationnelle pour être durable.
8. L’assainissement des quartiers de tous les centres urbains, financé sur aide extérieure et avec une contribution nationale fournie par la mobilisation d’un service national des jeunes.
9. L’obtention, de l’Union Européenne, du déblocage progressif des fonds gelés depuis 1993 et qui représentent aujourd’hui quelques centaines de milliards de francs CFA. Ils permettront assurément de couvrir des dépenses urgentes e de redonner ainsi confiance aux populations qui y verront à coup sûr des signes encourageants de résurrection après vingt années de descentes aux enfers.
10. Le remboursement des créances des petites et moyennes entreprises togolaises sur l’Etat, après vérification de la nature et de la vérité des prestations fournies afin d’éviter de payer de fausses factures. La priorité sera donnée aux entreprises qui ont beaucoup de salariés et qui paient tous leurs impôts et toutes leurs cotisations à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale.
11. La négociation d’un moratoire sur le remboursement des dettes extérieures, pendant deux ans, de façon à permettre au nouveau gouvernement d’établir le bilan de la gouvernance passée et de parer, en attendant, au plus pressé.
12. La réalisation d’une réforme fiscale favorable à toutes les entreprises qui créeront de nouveaux emplois de façon à leur offrir un crédit d’impôt raisonnable.
13. L’extension aux entreprises industrielles togolaises du statut fiscal antérieurement réservé aux industries de Zone Franche ayant dépassé dix années d’existence.
14. L’exonération d’impôts sur les bénéfices pour les entreprises agricoles de façon à favoriser l’orientation des jeunes vers l’agriculture où existent beaucoup de possibilités de création d’emplois.
15. Le développement d’une nouvelle diplomatie, celle que j’appellerai une diplomatie intégrée : elle ne se contentera plus de représenter seulement l’administration publique, mais elle sera aussi un véritable moteur de promotion des intérêts économiques et commerciaux de notre pays et de la protection des Togolais de l’étranger. Notre ambition dans ce domaine est de donner au Togo les moyens de tirer le meilleur parti de la mondialisation.
Toutes ces mesures seront prises soit dans les tout premiers mois de l’ entrée en fonction du nouveau gouvernement, soit à moyen terme , après que celui-ci aura dressé le bilan de la gestion passée, soit encore à plus long terme, après que des états généraux auront été réunis dans les secteurs stratégique de la vie politique et économique nationale pour dégager des orientations pouvant conduire à des réformes majeures. Celles-ci seront destinées à soutenir une véritable renaissance de la société togolaise. Nous en entrevoyons principalement quatre pour le moment :
-La première est une réforme de la fiscalité en faveur de l’entrepreneuriat et du salariat.
-La deuxième est une autre réforme de la fiscalité en faveur de la promotion immobilière.
-La troisième concerne la création d’une société nationale d’assurance maladie pour les travailleurs.
-La quatrième est une nouvelle réforme de l’enseignement au Togo.
Réconcilier pour recoudre le tissu social déchiré et pour continuer à bâtir ensemble la cité, restaurer l’ordre constitutionnel que le peuple Togolais s’est librement donné en prenant Dieu comme témoin, demeurer attentif en permanence, en tant que dirigeant politique, aux souffrances des populations et reconnaître la nécessité de placer les exigences de la vie des individus au-dessus du train de vie de l’Etat, protéger et promouvoir tous les droits fondamentaux de la personne humaine, savoir mourir en soi pour donner au peuple une plus grande joie de vivre, tels sont les principes que l’histoire vécue de notre pays commande aujourd’hui à l’homme et à la femme publics pour autant qu’il ou elle aspire à conduire les autres êtres humains. Je voudrais même dire que c’est la condition essentielle du développement aujourd’hui, dans notre pays, le Togo et assurément dans notre continent et dans le monde tout court. Je m’engage à en faire l’apprentissage avec vous dans les cinq prochaines années avec la grâce de Dieu et si vous en manifestez le ferme désir à l’occasion du scrutin présidentiel du 1er juin 2003.
Vive le Togo, vive la République !
Que Dieu bénisse le Togo et les Togolais !
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