Les plus hautes autorités religieuses chrétiennes togolaises ont tiré la sonnette d’alarme le 1er octobre 2014 par leur appel prémonitoire et préventif « pour l’amour de la patrie » lancé au Chef de l’Etat en faveur des réformes constitutionnelles avant la prochaine élection présidentielle togolaise. Cet appel a bénéficié dès le lendemain du soutien appuyé de l’ambassadeur de l’Union Européenne au Togo, et quelques jours après, le 10 octobre 2014, du soutien aussi appuyé du groupe des ambassadeurs de la France, de l’Allemagne, des Etats Unis d’Amérique, de l’Union Européenne et de l’ONU. Ce dernier soutien répond à la déclaration tapageuse du président de la Cour Constitutionnelle togolaise en date du 5 octobre 2014, qui foule aux pieds les recommandations de la CVJR (Commission Vérité, Justice et Réconciliation) sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles. Cela est d’autant plus contradictoire qu’il a été créé dans le gouvernement actuel du Togo le « ministère des Droits de l’Homme, de la Consolidation de la Démocratie chargé de la mise en œuvre des Recommandations de la CVJR ». Malgré tout cela, malgré les évènements inattendus et retentissants du 30 et 31 octobre 2014 au Burkina, et malgré la première réplique au Togo le 21 novembre 2014 du tremblement de terre politique au Burkina, le Chef de l’Etat togolais a confirmé le 25 novembre 2014 à Accra les propos controversés du Président de la Cour Constitutionnelle togolaise, en déclarant que « la Constitution en vigueur sera rigoureusement respectée ».
Par cette déclaration officielle, le Président de la République Togolaise soulève ainsi dans le débat public national la question des « conditions de respect par les citoyens d’une loi », en particulier de la loi fondamentale que constitue « la constitution en vigueur ». Qu’il nous soit permis d’apporter notre réponse citoyenne et universitaire à cette question de fond posée par le Chef de l’Etat togolais, conformément à l’honnêteté et à la rigueur intellectuelles, en vue de la salutaire et indispensable « alternance politique pacifique » après près d’un demi-siècle d’un « régime héréditaire ». En effet, il est incontestable que le respect de toute loi, en particulier la loi fondamentale constituée par la constitution, repose sur deux piliers, la légalité et la légitimité, et que la défaillance d’un de ces piliers fragilise et met en danger le respect de la loi par les citoyens et les pouvoirs conférés à la loi et au pouvoir exécutif par le peuple souverain. Ce danger peut aller jusqu’au soulèvement populaire et à la révolution, entraînant infailliblement et impitoyablement un changement de régime plus ou moins pacifique. C’est là la leçon de sciences politiques et juridiques données par le pièce de théâtre « Antigone » du grec Sophocle depuis près de deux millénaires et demi, et plus près de nous dans l’espace et le temps par la chute retentissante des anciens présidents Ben Ali de Tunisie, Hosni Moubarak d’Egypte, Mouammar Kadhafi de Libye, et Blaise Compaoré du Burkina.
A la lumière de cette leçon, nous pouvons d’abord remarquer que la modification de la constitution togolaise adoptée par référendum le 27 septembre 1992, promulguée le 14 octobre 1992, et révisée le 31 décembre 2002 est conforme à l’article 144 de la constitution de la constitution de 1992 relative à sa révision. A ce titre, cette modification est tout aussi légale que celle que voulait opérer l’ancien président burkinabe, confirmant ainsi la légalité de « la constitution en vigueur » au Togo. Par contre, cette « constitution en vigueur » depuis le 31 décembre 2002 est beaucoup plus illégitime pour quatre raisons majeures que « l’acte manqué » qui a été fatal à l’ancien « parrain africain de la France-Afrique ». La première raison, c’est que « la constitution en vigueur » au Togo manque cruellement de la légitimité populaire dont bénéficie la constitution de 1992 plébiscitée par le peuple souverain togolais à 99, 7 % pour permettre à « l’alternance politique pacifique ». La seconde raison, est que c’est « la constitution en vigueur » au Togo qui a permis au « dictateur togolais », le précédent Chef d’Etat togolais, de parjurer sa promesse publique et solennelle, en prenant pour témoin et caution le Chef de l’Etat français Jacques Chirac en visite à Lomé en juin 1998, et en engagent sa « parole de militaire », de ne pas briguer un troisième mandat constitutionnel, après avoir déjà passé 26 années à la tête du Togo depuis le 13 janvier 1967. La troisième raison, c’est que « la constitution en vigueur » au Togo est entachée de l’opprobre et du « péché originel » de la « dictature togolaise » mise « au banc de la communauté internationale » et frappée de sanctions économiques internationales de 1993 à 2007 pour « défaut de démocratie et violation des droits de l’homme», comme l’a été pour les mêmes motifs le régime de l’Apartheid en Afrique du Sud de 1962 à 1991. La quatrième raison, c’est que « la constitution en vigueur » au Togo témoigne du parjure par le Chef de l’Etat togolais actuel de l’engagement solennel qu’il a pris devant le peuple togolais et la communauté internationale, au sujet des réformes constitutionnelles et institutionnelles, concernant notamment les « conditions d’éligibilité au mandat de Président de la République » et « la limitation de la durée du mandat présidentiel », par la signature le 20 août 2006 de « l’Accord Politique Global (APG) ».
En guise de conclusion, qu’il nous soit permis de lancer un appel pressant et amical au Chef de l’Etat togolais, pour lui faire entendre des sons de cloches différents de ceux de ses conseillers et de ses multiples courtisans, comme l’aurait vivement souhaité avec le recul du temps et de l’exil son ami et parrain Blaise Compaoré, pour l’inviter à prêter des oreilles attentives à la voix de la raison, de la prudence, de la sagesse, de la foi, de la tranquillité, de la sécurité, pour l’encourager à « Aimer, servir, se dépasser, faire encore de toi sans nous lasser, Togo chéri, l’or de l’humanité », en ambitionnant de rester dans l’histoire du Togo et du monde comme « le Père de la Rénovation (Perestroïka) et de la Transparence (Glasnost) togolaise », à l’exemple du Président Mikaël Gorbatchev, en renonçant aussi « librement » que le Pape Benoît XVI à briguer un troisième mandat et en acceptant de soumettre au référendum avant la prochaine élection présidentielle togolaise à repousser le temps qu’il faut le retour à la constitution de 1992 « avec effet immédiat », comme au Togo en 2002 et en Afrique du Sud en 1993 après l’adoption d’un nouvelle constitution, pour redonner à « la constitution en vigueur » au Togo toute la légitimité d’un plébiscite comparable à celui du 27 septembre 1992, pour répondre favorablement à l’appel « pour l’amour de la patrie » des plus hauts dignitaires religieux du Togo, pour faire mentir l’adage latin « tel père, tel fils », et surtout pour ouvrir enfin la voie à « l’alternance politique pacifique » promise par l’accord historique UFC-RPT-UNIR et patiemment attendue par le peuple togolais depuis près d’un demi siècle, moyennant les négociations nécessaires pour garantir sa tranquillité et son confort au « Pays de nos Aïeuls » au delà de l’exercice de ses fonctions présidentielles à la fin de ses deux mandats et d’une éventuelle transition à convenir, comme lui conseillerait sûrement son ami Blaise Compaoré.
L’ETERNEL BENISSE LE TOGO! ABLODE! ABLODE ! ABLODE GBADJA!!!
Par Pascal Kossivi Adjamagbo
Professeur à l’Université Paris 6
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