20/04/2024

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Togo: Crise et soubressaut au sein des partis de l’opposition : La complicité funeste de Pascal Bodj

LE CORRECTEUR-7/10/2010 – Crise et soubressaut au sein des partis de l’opposition : La complicité funeste de Pascal Bodjona détruit l’image de Faure Gnassingbé

Combien de temps un chef qui n’a plus pour trône qu’une villa entourée de bougainvilliers, et pour royaume qu’un chimérique titre de président d’un parti qui lui a échappé dans la réalité mais auquel il s’accroche plus qu’à une bouée de sauvetage, pourra-t-il rester caché ? La question n’est pas insensée. Même si Gilchrist Olympio dément avoir l’intention d’ester en justice pour tenter de récupérer le contrôle du parti, il ne peut pas dire qu’il n’a pas créé les conditions rêvées pour que le pouvoir en finisse avec « son » parti. La grenade de la recomposition du Bureau national de l’UFC qu’il a fabriquée est en passe d’être dégoupillée par le pouvoir glouton du RPT à travers son tout-puissant suppôt propriétaire du ministère de l’Administration Territoriale, Pascal Akoussoulèlou Bodjona.

Les éléments du dossier

Bien qu’il ait fait croire à un moment, à quelques jours de la présidentielle du 4 mars qu’il était de cœur avec Jean-Pierre Fabre, le candidat surprise de son parti, M. Olympio a montré après avec force preuves qu’il n’en est vraiment rien. Ses comportements et prises de position ont surpris et indigné plus d’un qui ont eu de la peine à reconnaître l’opposant irréductible de feu Eyadèma. Le Rubicond a été franchi au lendemain du scrutin pour lequel Faure Gnassingbé a été proclamé vainqueur. Non seulement M. Olympio n’a pas fait grand-chose pour appuyer les contestations de son secrétaire général et candidat arrivé deuxième, selon les chiffres officiels, mais encore et surtout il signe un accord de gouvernement avec le supposé vainqueur, sans se référer au candidat « malheureux ».

En réplique, les lieutenants prennent la décision de débarquer du parti tous ceux qui suivent le président national « dans son aventure avec le RPT », décision matérialisée le 28 mai : M. Olympio qui a signé le papier avec Solitoki Esso, et tous ses amis ministres ou sympathisants sont déclarés exclus du parti. Après moult protestations et menaces, l’exclu en chef riposte en publiant le 15 juin une lettre circulaire dans laquelle il annonçait la recomposition du Bureau national du parti. Piteusement, M. Olympio argue d’une illégalité dudit Bureau pour en modifier la composition. Alibi merveilleux pour mettre hors d’état de nuire des militants gênants tels Madame Améganvi et MM Dupuy, Codjo Delava, etc. Naturellement, le camp Fabre balaie la mesure du revers de la main et parle de « non événement ».

Plus tard, le 23 juin, ce camp adresse une lettre au tout-puissant ministre Bodjona pour l’informer de sa décision d’exclure du parti les militants qui sont dorénavant avec eux au gouvernement. « Le Bureau national de l’Union des Forces de Changement (UFC) réuni en séance extraordinaire le 28 mai 2010 au siège du parti a décidé d’exclure temporairement de ses rangs M. Gilchrist Olympio et tous les militants qui le suivent dans l’aventure du RPT », indiquait la lettre adressée au ministre. La même lettre précise que « par conséquent, ils ne sont plus habilités à parler et à agir au nom de l’UFC ». Ce faisant, le Bureau national branche Fabre croyait ainsi légaliser la nouvelle donne au sein du parti. La réponse est tout à fait aux antipodes de leurs attentes.

Le ministre Bodjona ne voit guère les choses comme eux. Pour ce dernier, leur action n’a pas d’effet pour la simple raison qu’une lettre antérieure signée de M. Olympio, au nom du même parti, avait communiqué d’autres informations. « Il m’est loisible de rappeler que par lettre en date du 15 juin, le président national de l’UFC a porté à notre connaissance pour déclaration, le changement intervenu dans la direction de ce parti en annexant à sa lettre la liste des membres du nouveau bureau national. Dès lors, vous conviendrez avec moi que votre lettre postérieure à celle de M. Gilchrist Olympio ne saurait produire d’effet rétroactif de nature à annuler les actes antérieurement posés par le président national de l’UFC », a répondu M. Bodjona à madame Améganvi.

Bodjona-Olympio : un duo volcanique

Il ne serait pas risqué de croire certaines sources qui signalent un rapprochement extraordinaire en cours entre MM Bodjona et Olympio. Les deux hommes se rencontreraient régulièrement au point qu’il se dit que ce sont les nouveaux amis de la république. Une preuve se trouve dans la facilité déconcertante avec laquelle le ministre a pris fait et cause pour « son » ami Olympio dans la guerre d’hégémonie au sein de l’UFC.

On perdrait la tête à examiner l’argument de l’antériorité-postériorité avancé par M. Bodjona pour frapper de nullité la lettre de madame Améganvi au nom du « Bureau national ». Selon le ministre, le simple fait que la lettre de M. Olympio l’informant de sa décision illégale et scandaleuse de recomposition du bureau lui a été adresséé avant celle de madame Améganvi suffit pour que M. Olympio ait raison. A y voir de près, la logique de M. Bodjona est que celui qui l’informe le premier a raison, dare dare. A le croire, on sera aussi amené à croire que si un voleur s’empresse d’informer la justice ou la police qu’il n’a rien à voir avec le vol de voiture dont on va le saisir, ce voleur sera élargi et innocenté.

Qu’on nous absolve si notre lecture n’est pas orthodoxe, mais le moins qu’on puisse dire est que l’argumentaire du ministre a tout l’air puéril et léger, complaisant et ignominieux. Au moment où le ministre trouve que la démarche de madame Améganvi « ne saurait produire d’effet », il est divinement aveugle et aphone face à la démarche cavalière et illégale de M. Olympio qui a eu le front de recomposer un bureau entier lui seul, et dans sa chambre ! L’illégalité est là et saute aux yeux, mais curieusement, M. Bodjona ne s’en émeut. Si tant est que M. Bodjona semble privilégier la voie du président national, on peut s’étonner de ce que dans le dossier, il ait apporté de l’eau au moulin de membres du bureau qui avaient intenté une action en dissolution de leur parti. Autres temps, autres mœurs ? Quel ministre en France, fût-il socialiste, aurait pu cautionner Jacques Chirac s’il avait tenté dans une démarche autocratique et vengeresse, de reconstituer les instances dirigeantes du défunt Rassemblement Pour la République (RPR) pour en exclure Nicolas Sarkozy dont l’ascension ne lui faisait pas plaisir ?

Vous souvient-il qu’au moment où la lettre de M. Olympio avait été publiée, nous avions fait remarquer entre autres commentaires que le fils de Sylvanus venait d’offrir du pain béni à Pascal Bodjona, en lui en faisant ampliation ? Le moment est venu pour que nos craintes se précisent. A ce jeu, c’est comme un père qui amène ses propres enfants à l’abattoir. C’est piteux et indigeste. Peut-être sera-t-elle la première réalisation du nouveau duo inédit.

Au-delà du problème d’un parti

Si le bon sens ne revient pas dans l’Union des Forces de Changement, on avance piano mais siano vers une réplique du cas OBUTS. Le pouvoir ne trouvant aucun inconvénient à ce qu’un parti comme l’UFC se désagrège et disparaisse de l’échiquier politique national, que lui coûte-t-il d’aider certains à détruire les autres ? Toutefois, on ne peut pas gager que les conséquences d’une telle éventualité soient heureuses pour le pays.

De façon certaine, un naufrage de la barque UFC scellera le sort du pluralisme politique dans le pays. Nul n’ignore le penchant du RPT pour le monolithisme et l’unicité d’opinion. En tout temps, ce parti l’a montré en utilisant tous les moyens pour que ses opinions soient les seules qui passent. Après avoir réduit au silence OBUTS, faire subir le même sort à l’UFC signifierait que dans le pays il n’existera plus de voix politiques représentatives capables de jouer les contrepoids du pouvoir. Si l’UFC a 27 députés à des élections contestées, cela suppose qu’elle constitue la véritable arête dans la gorge d’un pouvoir qui n’est pas habitué à suivre les autres. Le Togo redeviendrait alors un de ces pays où les yeux et les pensées regardent uniquement dans la même direction, comme en 1980, comme à Pyongyang, comme à Cuba, comme à Tripoli. Une telle situation sera totalement en contradiction avec les prétentions et proclamations de Faure Gnassingbé qui n’a cesse de dire qu’il veut faire du Togo un pays de liberté et de démocratie.

C’est dans ce sens qu’il faut faire observer qu’une complicité avérée, ou même soupçonnée du ministre Bodjona dans le naufrage, peut-être programmé de l’UFC, ne profitera en rien à Faure Gnassingbé. Elle travaillera plutôt à renforcer les doutes de ceux qui voient en ce pays un volcan éteint ou un paradis des apparences et de l’hypocrisie politique.

Nima Zara

(Le Correcteur)