Par Tido BRASSIER
La culture de l’impunité a pour conséquence, l’insécurité politique et la corruption, telle est la situation dramatique de la crise sociopolitique et institutionnelle du Togo. Cette stratégie de la terreur (répression, enlèvement, assassinats, corruption, etc…) qui caractérise la junte militaire aux commandes au Togo ne peut en aucun moment créer les conditions d’une aspiration du peuple à la démocratie, ni le développement économique et humain. Les droits de l’homme et les libertés fondamentales qui constituent la principale requête des Togolais depuis 1967 sont systématiquement bafoués.
En effet, au-delà de toutes les pistes explorées en vue d’une alternance politique et pacifique depuis la conférence nationale souveraine et les nombreux accords signés entre le pouvoir et l’opposition, la lutte contre l’impunité demeure fondamentalement la priorité indispensable en vue de la résolution de la crise politique au Togo.
L’impunité au Togo, est un système organisé en réseaux criminels et mafieux, qui récidive à chaque moment important de la vie nationale en réitérant crimes et délits sans aucune inquiétude de poursuite judiciaire, ce qui laisse la porte ouverte à plusieurs conséquences dont la corruption, le mauvais fonctionnement des institutions, l’arbitraire, la mauvaise gouvernance, la dégradation des droits humains et les discriminations politiques.
Un système organisé en réseaux et en bandes criminelles, décidé à piller par tous les moyens, toutes les ressources de l’Etat, au nom de la vie facile, bref s’enrichir au dépens du travail des autres, c’est-à-dire le peuple Togolais, et conserver les acquis frauduleux, au besoin par la force armée, pour soumettre les paisibles populations au diktat de l’arbitraire. Mais seulement, faudrait-il encore se rappeler qu’au-delà du seuil de tolérance, le risque de cette pratique pénalise tout un peuple, en mettant également en danger, ceux qui initient et profitent de ce système dont le contrôle leur échappe parfois, et il n’est pas exclus qu’ils deviennent eux-mêmes victimes de leur propre mécanique.
Le règne totalitaire de la junte militaire du clan Gnassingbé, caractérisé par la culture de l’impunité absolue, qui demeure « la loi en vigueur » au Togo depuis l’assassinat de Sylvanus Olympio, et dès lors érigé en mode de gouvernement, est la cause fondamentale du mal profond qui ronge notre pays depuis le 13 janvier 1963.
En effet, l’impunité crée et nourrit l’insécurité politique, en laissant l’espace national à la merci des bandes et des milices qui font la « loi de la jungle », contraire aux lois de la république. L’insécurité politique en un mot, c’est l’organisation et la pratique du « non-droit » par une minorité mafieuse hors la loi, en lieu et place des règles universelles de liberté et de justice qui régissent la vie en société dans un Etat de droit.
La pratique du non-droit, qui est la conséquence de l’impunité, est toute une administration souterraine, parallèle à l’administration officielle, comprenant des milices organisées en réseaux mafieux, se substituant aux institutions légales, à l’image du gouvernement, pour propager la désinformation ou la rumeur, la contre justice, le harcèlement des tribunaux et surtout les milices armées qui sont une décalque de l’armée nationale ainsi que les forces de polices et de gendarmerie, ce qu’on appelle la stratégie de « la greffe institutionnelle » qui nourrit la pratique de la corruption.
En effet, la corruption a pour cause l’impunité dont jouit la minorité ethnique et clanique du pouvoir politique RPT, qui se met systématiquement au dessus des lois de la république qu’elle méprise au passage, en créant des dysfonctionnements au sein des institutions nationales : c’est la pratique de la duplicité du pouvoir. Cette corruption met en pratique un système d’opacité dans la gestion des sociétés d’Etat ainsi que les ministères qui sont en charge de ces sociétés, en rendant impossible leur mission de contrôle et leur obligation de résultats.
En récupérant les profits réalisés par ces sociétés à des fins d’enrichissement personnel, le pouvoir défie en permanence la justice et son indépendance vis-à-vis de l’exécutif pour subordonner tout un peuple à sa vision totalitaire de la république. Ces profits sont captés tous les mois par une stratégie de prélèvement à la source via un jeu d’écriture comptable et bancaire au crédit des comptes spéciaux ouverts à l’étrangers dans des institutions financières privées tenues par les corrupteurs internationaux.
Ainsi, fausses factures, voitures non immatriculées mises en circulation, les commandes d’équipements des ministères allant du simple téléphone à la voiture de fonction, les frais de carburants, les frais de missions à l’étranger, y compris la délivrance des diplômes nationaux etc.…. tout sombre dans l’opacité la plus totale, ainsi va la vie au Togo. A titre d’exemple, certains membres des réseaux sont détenteurs du permis de conduire sans avoir jamais conduit une voiture de leur vie, il existe également des citoyens nantis de diplômes délivrés par l’enseignement supérieur, alors qu’ils n’ont jamais mis pied dans un amphithéâtre des universités. Et quand on pense que ces personnes sont les plus hauts dirigeants des sociétés d’Etat, on peut toujours imaginer leur gestion. Deuxième exemple, la fédération togolaise de football est gérée avec une telle opacité battant tous les records au monde, dans ce cas précis, toutes les limites sont dépassées, il s’agit de la bêtise humaine tout simplement, encore que l’ignorance peut être excusable.
Tant qu’on n’aura pas mis fin à l’impunité pour permettre à la justice de jouer pleinement son rôle en toute indépendance par rapport à l’exécutif, en mettant en place les outils appropriés de contrôles et de sanctions permettant de lutter efficacement contre l’impunité érigée en mode de fonctionnement de l’Etat, il est inutile d’espérer un quelconque Etat de droit au Togo venant de la générosité de la dynastie des Gnassingbé.
La question qui se pose est de savoir comment mettre fin à cette pratique illégale devenue officielle, qui a accompagné tout un système et les hommes qui animent ce système depuis quarante années ? C’est-à-dire, depuis le coup d’Etat du 13 janvier 1963, à la mort du dictateur père, qui a régné en maître absolu sur l’institution judiciaire du Togo pendant cette période, et la mise en place des réseaux de corruption ?
Aussi, devons-nous noter au Togo, que crimes et délits sont malheureusement des outils de fonctionnement du pouvoir qui encourage ses adeptes à en commettre pour avancer dans la hiérarchie du système, ce qui est malheureusement une politique de promotion sociale.
L’impunité érigée en système de fonctionnement dont jouissent certains officiers non républicains de l’armée nationale, ainsi que les milices armées organisées en corps irrégulièrement constitués et en bandes mafieuses, ainsi que certains dignitaires du système RPT, est toute une machine qui fonctionne au profit du clan, dans sa stratégie de pérennisation aux affaires dans notre pays.
La liste des dossiers classés sans suite judiciaire est longue : l’assassinat de Sylvanus Olympio, le massacre de la lagune de Bè : plus de 30 morts, le massacre de Fréau Jardin : plus d’une vingtaine de morts, l’assassinat de Tavio Amorin, l’attentat de Soudou, l’assaut contre la primature et la capture du premier ministre de transition issu de la conférence nationale souveraine, les violences subies par les membres du haut conseil de la république, le massacre de la population suite à la proclamation des résultats frauduleux des présidentielles d’avril 2005 : un millier de morts et plus de 40000 réfugiés…..coup d’Etat militaire, constitutionnel et électoral : tout est systématiquement classé sans suite judiciaire……..
Il faut savoir qu’aucune politique de réconciliation nationale ne peut tenir la route, ni la construction d’un Etat de droit et la démocratie, sans qu’on ait préalablement mis fin à l’impunité qui règne au Togo. La base de la démocratie, c’est la même justice pour tous. Les militaires qui ont volé des urnes dans des bureaux de vote lors du scrutin présidentiel frauduleux d’avril 2005, courent toujours dans la nature en toute liberté, alors qu’ils devraient être sous les verrous. Dans ces conditions, et en l’absence de sanctions, qu’est-ce qui permet de croire qu’ils ne seront pas récidivistes aux prochaines législatives ? On peut toutefois admettre avec raison qu’ils sont encouragés pour réitérer le même scénario à la prochaine occasion.
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