28/03/2024

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Togo: l’UFC fait le point sur l’application de l’Accord politique Global

COMMUNIQUE DE LA CONFERENCE DE PRESSE DU 8 JANVIER 2007

La situation que vit aujourd’hui notre pays ne peut être appréciée sans qu’il soit rappelé que l’année 2005 a été extrêmement douloureuse pour le Togo. Les populations togolaises qui se sont mobilisées massivement contre le coup d’Etat militaire du 5 février 2005 et le coup de force électoral du 26 avril 2005 ont été l’objet de massacres d’une ampleur sans précédent dans l’histoire de notre pays. C’est le lieu de renouveler nos pensées émues pour les familles endeuillées, nos compassions pour les blessés ainsi que notre soutien et notre solidarité pour les réfugiés, les déplacés et ceux qui sont toujours en prison pour avoir cherché à arrêter le crime planifié, en cours d’exécution. L’UFC condamne avec vigueur, la façon éhontée dont le régime RPT cherche à minimiser ce drame national.

Ce drame a amplifié la crise togolaise. La situation ainsi créée a conduit l’opposition démocratique à prendre ses responsabilités en acceptant de participer à des discussions avec le régime RPT, qui ont abouti le 20 août 2006 à Lomé, à la signature d’un accord dénommé Accord Politique Global (APG).

Quelques mois après la signature de cet accord, il apparaît nécessaire et opportun à l’UFC de faire avec vous le point sur son application.

1. Formation du Gouvernement d’Union Nationale

La nomination du Premier Ministre et la formation du Gouvernement d’Union Nationale étaient une étape attendue dans la mise en œuvre de l’APG. Force est de reconnaître que cette attente a été déçue. L’explication de cette situation est donnée aujourd’hui par le chef de l’Etat qui déclare qu’ayant gagné l’élection présidentielle, – ce qui bien entendu, est une contre-vérité absolue,- il lui revient de former à sa guise le gouvernement, conformément à l’article 66 de la Constitution. L’UFC pense toujours que, dans l’esprit de l’APG, le Gouvernement d’Union Nationale ne peut être régulièrement formé qu’après des consultations structurées et organisées avec les signataires de l’accord. Les parties en conflit n’ont jamais pu et ne peuvent laisser à l’une d’entre elles la liberté et le pouvoir discrétionnaire de former, selon son seul vouloir, le gouvernement chargé de mettre en œuvre les dispositions de l’APG.

Les propositions formulées par l’UFC pour entrer au gouvernement, loin d’être « fantaisistes », sont sérieuses et responsables car elles visent l’équilibre des forces en présence au sein d’un véritable Gouvernement d’Union Nationale.

2. CENI

Depuis sa mise en place, la CENI fonctionne sans règlement intérieur. Pourtant elle s’est dotée d’un bureau et discute de questions de fond. Son fonctionnement chaotique caractérisé par le laxisme, l’improvisation et l’absence de performance réelle devraient inquiéter l’ensemble de la classe politique.

L’UFC constate que ses préoccupations concernant la présence au sein de la CENI, d’un magistrat en tant que représentant d’un parti politique (RPT), en violation du statut des magistrats n’ont pas été prises en compte par le Comité de Suivi (CS). Dans ces conditions qu’en sera-t-il de la désignation des autres magistrats pour présider ès qualité les CELI ?

L’UFC est également préoccupée par la désignation à la présidence de la CENI d’un représentant du gouvernement sans voie délibérative, unilatéralement choisi par le régime RPT. L’UFC se demande si l’indépendance de la CENI prévue par l’APG saurait être préservée.

L’UFC considère que les questions relatives au mode de recensement électoral et à la carte d’électeur doivent répondre aux exigences de crédibilité et de transparence conformes aux standards internationaux et recommandées par l’APG. Elle exprime sa ferme conviction que la carte d’électeur numérisée avec photo et empreinte biométrique du titulaire, délivrée séance tenante, au moment du recensement électoral, contribue objectivement à la transparence et à la crédibilité du processus. A ceux qui évoquent les contraintes de coût et de délai, l’UFC rappelle qu’une telle carte ne coûtera jamais aussi cher que les souffrances des réfugiés et les nombreuses vies humaines perdues à l’occasion des élections passées, organisées toutes au rabais et dans la précipitation par le pouvoir RPT.

Au demeurant, il suffit à la CENI de s’adresser aux institutions et partenaires officiels pour avoir les informations fiables et crédibles sur les coûts réels d’une procédure de recensement permettant la délivrance immédiate d’une carte d’électeur numérisée avec photo et empreinte biométrique du titulaire. Ces coûts sont tout à fait raisonnables et à la portée des possibilités de financements internes et externes de l’Etat togolais.

Plus rien ne devrait s’opposer à l’adoption du mode de recensement permettant la délivrance immédiate de la carte d’électeur avec photo, si ce ne sont des motivations de fraude électorale.

L’UFC met en garde la classe politique contre les conséquences graves du laxisme dans le fonctionnement de la CENI. L’accumulation de tous ces manquements à la rigueur et à la transparence n’est pas de nature à rassurer les populations et porte en germe des fraudes électorales et des risques de violence. Elle interpelle sur la volonté du régime d’organiser des élections libres, transparentes, équitables et démocratiques telles que prévues par l’APG.

3. Mode de scrutin

L’Union des Forces de Changement (UFC) réprouve qu’un point aussi capital que l’adoption du mode de scrutin pour les prochaines législatives, n’ait fait l’objet d’aucune consultation ni recherche de consensus auprès de toutes les parties prenantes à l’Accord Politique Global (APG).

Dans l’esprit de l’Accord Politique Global, le rejet catégorique par la classe politique du mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour, introduit unilatéralement par le régime RPT, en violation du choix souverain du peuple togolais, appelle tout naturellement au retour au mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, approuvé par référendum en Septembre 1992. La facilitation ayant aidé la classe politique à se débarrasser du mode de scrutin à un tour résultant d’un coup de force, il revenait à cette classe politique de retourner tout simplement au choix souverain du peuple togolais.

Il est surprenant qu’à quelques mois d’élections aussi capitales pour l’avenir de notre pays, l’on introduise un mode de scrutin complexe dans son application et inconnu de nos populations. Le choix de ce mode de scrutin est un subterfuge visant à empêcher l’émergence d’une majorité claire et stable favorable au vrai changement auquel aspire le peuple togolais. C’est une manœuvre destinée à empêcher l’UFC de dégager une majorité à l’Assemblée, après avoir rassemblé, comme par le passé, les suffrages de la majorité des populations togolaises. L’UFC sait que le peuple togolais, qui aspire profondément au changement ne se laissera pas abusé et trouvera le moment venu, la réponse adéquate à ces manigances.

L’UFC lance un appel solennel et patriotique aux populations togolaises pour qu’elles lui apportent massivement leurs suffrages, quel que soit le mode de scrutin.

4. 13 janvier

Tout comme le Peuple togolais tout entier, l’Union des Forces de Changement constate avec écœurement, que malgré la signature de l’APG et en dépit des recommandations de sa propre « Commission de Réflexion pour la Réhabilitation de l’Histoire du Togo », le régime RPT s’apprête encore à célébrer, avec le gouvernement dit d’union nationale, la « fête du 13 janvier », poursuivant ainsi, la logique d’arrogance et de duplicité qui a toujours compromis toute résolution sereine de la crise togolaise.

L’UFC rappelle que le 13 janvier 1963 est la date à laquelle le premier Président de la République Togolaise, démocratiquement élu, Sylvanus Olympio, a été assassiné par Etienne Gnassingbé Eyadéma.

Contrairement à ce que prétend la mythologie du régime RPT, reprise par le chef de l’Etat Faure Gnassingbé (Cf interview Jeune Afrique déc. 2006), cet acte présenté comme une « libération » est un crime crapuleux perpétré par un groupe d’individus désoeuvrés et sans solde, qui ont obtenu d’être intégrés dans l’armée, une fois leur forfait commis.

Quelles que soient les raisons invoquées, y compris les raisons rituelles, pour justifier la célébration du 13 janvier, rien ne saurait autoriser la glorification de l’assassinat d’un chef d’État démocratiquement élu ni la prise du pouvoir par un coup de force pour asservir des populations. Voilà pourquoi, la Conférence Nationale Souveraine, dans un souci d’apaisement, avait pris une résolution faisant de la date du 13 janvier une journée de recueillement.

Le peuple togolais saura apprécier la bonne foi des signataires de l’APG selon leur participation ou non à la célébration du crime, une célébration qui exacerbe les ressentiments, constitue un facteur de division et ne contribue en rien à la création d’un climat de confiance et de réconciliation nationale.

5. Comité de suivi

L’UFC a toujours considéré que la mise en place d’un Comité de Suivi vigilant et performant, constamment à l’écoute des protagonistes de l’APG, est l’une des conditions pour une mise en œuvre efficace de l’APG. C’est d’ailleurs l’éventualité de la mise en place de ce Comité de suivi qui a, entre autres, encouragé la signature de l’APG par l’UFC. Or, l’UFC constate que les questions dont elle saisit le Comité de suivi ne sont pas traitées avec l’attention et la diligence requises, notamment celle relative à la présence au sein de la CENI du Président de la Cour d’appel, comme représentant d’un parti politique, en violation de la loi portant statut des magistrats. Cette situation est déplorable et laisse s’installer dans la mise en œuvre de l’APG, un certain laxisme préjudiciable à la transparence et à l’équité des élections.

En guise de conclusion

Le 9ème congrès ordinaire du RPT, parti au pouvoir, a donné l’occasion aux populations togolaises d’apprécier l’état d’esprit dans lequel le régime RPT entend mettre en œuvre l’APG.

L’UFC a pris connaissance des déclarations inconséquentes de Faure Gnassingbé lors de ce congrès ainsi que dans une récente interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique. Ces déclarations ne sont que des provocations indignes d’un chef d’Etat. Rien ne justifie les attaques gratuites dirigées contre l’UFC, accusée de formuler des exigences « fantaisistes » pour son entrée au gouvernement.

De plus, les propos ironiques du chef de l’Etat, sur l’inexistence selon lui de l’insécurité dans notre pays, après la récente tournée nationale de l’UFC sans incident majeur, tendent à camoufler les réalités que vivent les populations togolaises au quotidien, comme viennent de le démonter les événements de Bandjéli, (Préfecture de Bassar) et à occulter que les déchaînements de violence sur les populations ont surtout lieu au moment des grands enjeux électoraux. L’UFC condamne avec vigueur la répression des populations de Bandjéli par les forces de sécurité et demande au gouvernement d’Union Nationale de prendre toutes dispositions pour que des sanctions soient prises à l’encontre des commanditaires et des auteurs de ces actes odieux contraires à l’esprit et à la lettre de ll’APG.

L’UFC et son Président n’ont de leçon à recevoir d’un chef de parti politique qui, après avoir tenté en vain de s’accaparer du pouvoir en traficotant et en malmenant la Constitution dans tous les sens, a fini par accéder au pouvoir à l’issue d’une élection présidentielle frauduleuse dont la contestation unanime par les populations a été réprimée dans le sang. Il faut ne pas craindre l’indécence pour prétendre, malgré tout ceci, avoir gagné une telle élection !

L’UFC et son Président n’ont pas de leçon à recevoir d’un parti politique qui n’a de cesse de recourir à des coups de force et à des fraudes électorales massives suivis de massacres de populations civiles pour se maintenir au pouvoir.

L’UFC et son Président n’ont pas de leçon à recevoir d’un parti archaïque qui a transformé le Togo en un pays, où les droits de l’homme sont systématiquement et massivement violés, où les finances publiques sont pillées au profit du clan et au détriment du peuple qui croupit dans la misère absolue.

L’UFC s’est engagée dans le processus de sortie de crise sanctionné par la signature de l’APG, dans un esprit d’ouverture et de responsabilité, en consentant tous les efforts et sacrifices nécessaires.

Elle constate que tel n’est pas le cas du régime RPT qui, une fois l’accord signé et comme à l’accoutumée refuse de respecter les engagements auxquels il a souscrit, s’employant systématiquement à torpiller le processus qui doit aboutir à des élections libres et transparentes.

L’UFC exhorte la Médiation et le Comité de Suivi à jouer pleinement leur rôle afin d’éviter aux populations togolaises les affres d’une élection calamiteuse. Elle exhorte la médiation et le Comité de suivi à amener les parties en présence à examiner en toute objectivité et à retenir toute proposition visant à garantir la crédibilité et la transparence du processus électoral, notamment la carte d’électeur avec photo. Elle demande aux parties signataires de consentir dans ce sens les efforts nécessaires pour répondre aux attentes des populations.

L’UFC appelle les populations à rester particulièrement mobilisées et vigilantes en vue de soutenir ses efforts pour des élections législatives libres et transparentes.

Fait à Lomé, le 8 janvier 2007
Pour le Bureau National, Le 3ème Vice-Président,
Patrick Lawson