29/03/2024

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Togo : Oraison funèbre de Véronique Prince-AGBODJAN dite «TOGOTO»

Oraison funèbre de Maman Véronique Vénunyé Lakoélé Prince AGBODJAN Epouse d’ALMEIDA dite « TOGOTO »

Un philosophe chinois, du nom de CHUANG – TZU, a écrit, je le cite :

« L’amour de la vie n’est-il pas une illusion ? La crainte de la mort n’est-elle pas une erreur ? La mort est-elle réellement un malheur ? Ne conduit-elle pas vers une autre vie comme la fiancée qui quitte la maison paternelle pour aller vivre un autre bonheur ? « 

Fin de citation, mais la question reste posée….

Révérends Pères, révérendes sœurs, chers orphelins, chères familles éplorées, chers parents, chers amis, quand un enfant subit la perte d’un parent, il ne reste plus jamais le même. Quelque chose de lui s’en va pour toujours et se dissout sous les plis lugubres du voile de la mort.

Maman, Mémé, Tassi, Nagan, Navi, Dada, Agodass, Togoto, oui, Togoto, c’est ainsi que tu étais connue et reconnue de tout le monde. Ce surnom t’est resté, non pas seulement parce que tu es de nationalité togolaise, mais, parce que ta mère, feue Tassi qui nous a quittés il n’y a pas si longtemps, est originaire de Togoville, la ville historique de notre pays, ou feu ton père. Docteur Robert Akovi PRINCE-AGBODJAN, l’avait rencontrée et aimée. Mais, par ta générosité débordante, tu étais toujours prête à ouvrir tes bras à tous les togolais qui venaient vers toi; alors, tu es et tu resteras toujours Togoto, la grande dame du Togo et des togolais.

« II y a un temps pour tout… un temps pour naître… un temps pour mourir » dit l’Ecclésiaste.

Point n’est besoin de philosopher sans fin sur cette échéance inéluctable. Nous devons l’accepter et nous focaliser sur la vie que Léonard de Vinci a résumée de cette façon, je cite : « Tout comme une journée bien dépensée donne un béat dormir, de même une vie bien remplie donne un béat mourir » fin de citation.

Notre chère maman Togoto a certainement un béat dormir.

Notre maman Lakoélé Togoto n’est plus.

« Maman chérie, tu fus une femme debout et te voilà partie vers ton Orient éternel ».
Voilà comment, Kekéli, Diana, l’aînée des petits enfants de Mamie Togoto, a commencé le message qu’elle a envoyé au nom de tous les petits enfants. Elle continue en disant : « Au-delà d’une grand’mère, tu as été plus qu’une véritable mère pour nous tous, spécialement pour moi car, tu m’as tellement aimée, que tu as fait de moi, la personne adulte que je suis devenue. Toi qui as tant aimé donner sans jamais rien recevoir en retour, au moins, pour une fois, ton arrière petit fils Raphaël que tu n’auras pas l’occasion de serrer dans tes bras, est le vrai cadeau que nous te faisons pour ton départ. Merci Mémé pour toutes les valeurs que tu nous as inculquées. Tu vas tant nous manquer. Avec qui vais-je maintenant chanter notre chanson ? Je te promets de l’enseigner à ton arrière petit fils et ensemble, nous la chanterons en pensant à toi. Nous, tes petits enfants, nous ne t’oublierons jamais ». Et Kekéli de conclure son message en disant : « Merci Mamie, bon voyage et surtout, veille aussi sur Tata Conchita »

Révérends Pères, révérendes sœurs, chers parents, chers amis, chères familles éplorées, c’est un aléa de la vie qu’on a toujours du mal à accepter. Mais que faire face à cette fatalité ? Rien, sinon garder enfouie au fond de nous, l’image d’une maman regrettée.
Après t’être essayée avec succès à la haute couture dans ta jeunesse, le Seigneur t’a naturellement guidée vers un métier qui te passionnait beaucoup plus; tu étais une commerçante très connue mais très humble et sans histoire au grand marché de Lomé. Pour fidéliser ta clientèle, tu ne voulais avoir aucune coloration politique personnelle, « de peur de perdre certains clients » avais-tu l’habitude de dire avec humour.

Malheureusement, l’après midi du 15 mars 1991 à Lomé, le sort en a voulu autrement et ta vie a basculé.

En effet, alors que tu participais à une marche pacifique avec les femmes du marché pour réclamer la libération de leurs enfants étudiants arrêtés et torturés, tu fus la seule à être encerclée et prise à partie par une escouade d’hommes en treillis qui, avec leurs gourdins, t’ont frappée avec une violence telle que tu étais restée inanimée, couverte de sang, tout le corps lardé sous les coups des gourdins. Tu avais juste eu le réflexe de te protéger la tête avec tes bras pour éviter le pire. Il a fallu que par-dessus le mur de sa maison où il s’était barricadé, un voisin crie très fort en leur direction : « vous allez la tuer » ! avant qu’ils ne se rendent compte du sale boulot qu’ils étaient en train d’exécuter et ne se décident à arrêter leur forfait inqualifiable.

Malgré toi, c’est tout ce que tu n’aimais pas qui arriva : en vraie vedette de l’actualité politique d’alors, tu avais fait la une de tous les journaux d’opposition avec des photos insoutenables et des commentaires que nous vous laissons deviner; tu avais même refusé d’être présentée aux autorités du pays qui souhaitaient te voir avec tes blessures pour, disait-on, te présenter des excuses….Hum..

A peine avais-tu eu le temps de récupérer de ce véritable cauchemar, qu’un peu plus d’un an après, le 05 mai 1992, tu fus l’un des témoins privilégiés (si on peut le dire ainsi), du carnage de Soudou où, dans ton mini bus, des amis avec lesquels vous étiez tous en tournée de sensibilisation politique, perdirent la vie. Des compatriotes comme le docteur Marc ATIDEPE et plusieurs autres, furent criblés de balles assassines et lâches, a cause de la lutte qu’ils tentaient de mener pour instaurer la liberté et la démocratie dans notre pays.

C’est ainsi que tu avais pris conscience des dures réalités togolaises et, sans esprit de vengeance, tu avais commencé à t’intéresser à la politique et à militer, afin que plus personne ne subisse tout ce que tu as enduré aussi bien dans ta chair que moralement.

Ces drames innommables te conduisirent naturellement hors de ton pays, en exil au Ghana voisin où tu passeras bien des années avant d’aller suivre des soins en France, car, tout ton corps commençait à sentir les séquelles de la barbarie du 15 mars 1991. Sans oublier le préjudice moral et financier, vivant loin de ta famille et tes activités commerciales du grand marché étant naturellement réduites.

Tout le monde sait que ces séquelles t’ont affaiblie au fil des années et creusé sournoisement ta tombe et nous voici aujourd’hui devant ton cercueil, inconsolables, amers mais sereins.

Malgré cette triste réalité, nous sommes fiers de toi; tu as lutté pour la bonne cause et tu as participé à l’essor économique de ton pays par ton commerce florissant. Qui ne te connaissait pas au grand marché de Lomé, aujourd’hui en partie réduit en cendres par un incendie criminel dont les vrais auteurs courent toujours ?

Devenue une grande militante très généreuse, respectée et écoutée ; tu as toujours tenu à rester discrète et loin des projecteurs tout en distillant tes conseils avisés et en recommandant l’union aux uns et l’alliance aux autres, pour une cause commune, à savoir la vraie liberté et le bonheur des togolais. Merci Maman.

Mariée à ton cher Joachim Ayité d’ALMEIDA, vous vivrez d’abord à Atakpamé avant de revenir vous installer à Lomé. Le Seigneur vous a donné quatre beaux enfants qui sont Ayi Robert, Christine Dédé, Hilda Kokoè et celle qui nous a quittés trop tôt et que nous pleurons encore, la benjamine Conchita Kayi. Paix à son âme.

Grâce à ton Créateur, tu as eu une vie riche, chrétienne, merveilleuse et tu as plutôt été comblée avec cinq petits-enfants qui sont Kékéli, Cornélio, Bradley, Reynold et Conchitavi.

Quant à Raphaël, ton arrière petit-fils, comme un passage de témoin, il naissait le samedi 28 mai dernier à Paris et toi tu nous quittais le lundi 30 mai à Lomé.

Généreuse, tu as donné beaucoup d’amour autour de toi et parfois, tes enfants avaient l’impression jalouse que tu t’intéressais beaucoup plus aux autres qu’à eux, alors que c’était une façon de les protéger ; une protection que leur raisonnement d’enfants ne pouvaient pas comprendre. Merci Maman.

Comme ta destinée l’avait recommandé, tu as vécu comme tu devais vivre et tu as posé des actes que tu devais poser, sinon, ce ne serait pas toi.

Avec les tiens, tu as connu peines et afflictions, des chagrins, des larmes, mais aussi, de l’amour et de la joie, de l’attachement et de l’espérance dans les moments difficiles. Cela n’a pas toujours été facile certes, mais aujourd’hui, au-delà des frictions, des malentendus, des disputes, des attentes déçues des uns vis-à -vis de toi et vice versa, nous saluons la mémoire d’une grande dame. Nous ne pouvons pas nous enorgueillir de quelques réussites ou de quelques succès sans te rendre hommage et te remercier.

Tu ne passais aucune journée sans avoir prié et parlé à la Vierge Marie, ta Vierge Marie, ta consolatrice que tu vénérais tant, implorant son soutien et son réconfort. Par deux fois, tu t’es rendue à Lourdes pour lui témoigner ta gratitude. Nous sommes sûrs qu’elle t’a déjà accueillie auprès d’elle pour te présenter à son fils bien-aimé.

Nous savons que tu leur as déjà confié tes enfants, tes petits enfants, ton petit-fils, ton mari, tes parents et tes amis politiques qui continuent le combat que tu menais ardemment avec eux tous. Nous te sommes reconnaissants. Merci Maman.

Maintenant, va, Togoto, tu as beaucoup travaillé, repose toi enfin ; comme un astre, tu brilleras au-dessus de ton pays pour lequel tu t’es battue et versé ton sang. Tu es devenue la sentinelle qui scrute les étoiles avec optimisme pour des lendemains meilleurs au Togo. Adieu maman, adieu. Nous t’aimons. Repose éternellement en paix.