18/04/2024

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Togo: Survivre par le mode de scrutin

Par Jean-Baptiste Placca

Dans les innombrables malentendus qui alimentent le dialogue de sourds entre pouvoir et opposition au Togo, une source nouvelle de quiproquos vient de surgir : les deux principales composantes de l’opposition exigent le rétablissement du scrutin à deux tours, pour la présidentielle de février 2010.

Cette disposition était contenue dans la Constitution, largement approuvée par le peuple togolais, en 1992. Elle a été ensuite modifiée, en décembre 2002, par une Assemblée aux ordres. Après trente-cinq ans de pouvoir, le général Eyadéma a été saisi par le doute, quant à sa capacité à réunir sur son nom la majorité de ses concitoyens. Comme ses pairs du Cameroun et du Gabon, entre autres, il a donc opté pour le scrutin à un tour, qui permet de se proclamer vainqueur, même avec 30 % des voix.

Après les maquignonnages sur la commission électorale et toutes les plaies incurables qui hypothèquent la démocratisation de ce pays, voilà donc une crise de plus. Y-a-t-il un dieu qui protège le Togo ? Il n’y a plus qu’à s’en remettre à lui, pour que tout cela ne se termine pas, comme en 2005, dans le sang.

En attendant, certains s’étonnent de voir les opposants miser sur un éventuel scrutin à deux tours pour en finir avec un pouvoir qui, depuis quarante-deux ans, a largement fait la preuve, de père en fils, que le seul vote des citoyens ne peut suffire à lui faire abandonner ce qui a tout l’air d’une rente de situation.

Dans un système de multipartisme intégral, le premier tour, dans un scrutin qui en compte deux, peut être, en effet, une pertinente unité de mesure, pour évaluer le poids réel des hommes politiques et ramener les prétentions démesurées à plus de modestie.

Le second tour est alors l’occasion de rassemblements et d’alliances, théoriquement sur des bases d’affinités idéologiques ou de projets. C’est ainsi que l’opposition sénégalaise est parvenue, en l’an 2000, à mettre un terme à quatre décennies de règne du Parti socialiste.

Le mode de scrutin que revendiquent les opposants togolais peut donc constituer un réel danger pour certains pouvoirs autocratiques. Et puisque la plupart ne sont même pas sûrs de rassembler le petit tiers qui peut leur permettre de gagner en un tour, ils suscitent, à coups d’argent, des candidatures de complaisance, pour diviser l’opposition et émietter l’électorat hostile.

Ce qui fait dire aux plus pessimistes que l’héritier du général Eyadéma, au pouvoir à Lomé, n’acceptera jamais de revenir sur une disposition qui est une part essentielle de l’héritage légué par son père, pour qui, le Togo, finalement, n’est qu’un fonds de commerce qui, jamais, ne doit changer de main.

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