Dans le courant de cette journée de mardi 24 Octobre 2006, les membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) procèderont à l’élection en leur sein, du Président et du bureau définitif de l’institution. L’enjeu est de taille si l’on sait l’importance du rôle dévolu à la CENI dans le processus électoral devant conduire aux élections législatives anticipées annoncées pour juin prochain. De fait, les tractations vont bon train pour la désignation de la personne qui sera amenée à présider l’institution.
A l’issue de la dernière séance, les membres de la CENI s’étaient séparés sans avoir pu élire leur président. Au total quatre candidats étaient en lice. Il s’agit de Abalo Petchélébia (RPT), James Amaglo (CAR), Henri Kolani (PDR) et Delava Jean-Claude Codjo (UFC).
Finalement, le candidat du RPT qui avait déjà eu à occuper ces fonctions par le passé sans avoir su épargner des problèmes aux Togolais a dû se retirer de la course, laissant en compétition les candidats du CAR, du PDR et de l’UFC.
Mais le retrait du RPT de la course à la présidence de la CENI, s’il est apprécié dans certains milieux, est considéré ailleurs comme une option stratégique. Le RPT, au lieu de s’engager dans un bras de fer, a préféré jouer la carte de la division en laissant aux trois partis de l’opposition, le soin de se neutraliser entre eux. Et la tâche lui est d’autant plus facile que ces formations qui naguère parlaient le même langage sont aujourd’hui plus divisées que jamais.
Inimitié cordiale
Ils sont en effet loin, les temps où le CAR et le PDR s’entendaient, au point de créer une union qui finira par voler en éclats. A ce jour, ces deux partis sont des adversaires déclarés. Leur antagonisme s’était davantage renforcé depuis les lendemains des 22 engagements où le leader du PDR n’avait jamais raté la moindre occasion pour prendre vertement à partie et pourfendre son allié d’hier qu’il critiquait de la manière la plus acerbe.
Même chose pour les relations entre l’UFC et le PDR qui se sont dégradées au fil du temps pour aboutir à une franche adversité qui aujourd’hui, ne laisse la chance à aucune éventualité de rapprochement.
Quant au CAR et à l’UFC, ces deux partis qui avaient fait route ensemble au sein de la Coalition de l’opposition démocratique à l’occasion de l’élection présidentielle d’Avril 2005, ils ne se supportent plus. L’état de leurs rapports s’est détérioré depuis les lendemains de cette élection pour culminer à une farouche opposition à la nomination de Me Agboyibo du CAR au poste de Premier ministre.
Avec un décor comme celui-ci, il serait vain de s’attendre à ce que ces trois partis se fassent des cadeaux sur un terrain aussi stratégique que celui de la présidence de la CENI.
Dans une interview accordée à un confrère de la place, le 3e Vice-président de l’UFC, M. Patrick Lawson a estimé qu’un Président de la CENI issu de l’UFC serait salutaire. Mais le parti de Gilchrist Olympio a-t-il suffisamment préparé les esprits et les autres partis pour un tel choix ?
Lorsqu’on observe un tant soit peu l’échiquier politique national, on a l’impression qu’au fil des jours, ce parti, avec les derniers développements de la situation politique s’est mis tout le monde à dos, à commencer par le CAR qui aurait pu être son allié de premier choix.
Après le coup de froid des lendemains de l’élection présidentielle d’Avril 2005 où le CAR n’avait pas reçu le soutien qu’il attendait de l’UFC au moment de la désignation du Premier ministre, la situation s’est animée depuis la reprise du dialogue intertogolais. L’UFC n’avait pas facilement accepté de voir Me Agboyibo à la tête du directoire du dialogue. Quand après des semaines de travaux, Me Agboyibo avait soumis un Accord Politique de Base à l’approbation des partis prenantes au dialogue, l’UFC était encore l’un des partis à avoir refusé de parapher le document. Vint enfin la nomination du Premier ministre. A l’annonce de la désignation de Me Agboyibo pour occuper les fonctions de Premier ministre, l’UFC a été le seul parti de l’opposition à monter au créneau pour fustiger violemment ce choix et annoncer un boycott du gouvernement que viendrait à former le leader du CAR dont il considérait la formation comme un parti « satellite » du RPT.
Candidature embarrassante
Au CAR, on n’a pas encore digéré ce que certains considèrent comme une injure. En conséquence, les militants du parti ne pardonneront pas à leurs responsables de tirer un trait de plume sur cet affront pour couronner l’UFC en soutenant sa candidature à la présidence de la CENI.
A bien réfléchir, on a l’impression que l’UFC opère elle-même, délibérément, des choix pour se mettre en minorité ou s’auto marginaliser. Comment comprendre autrement que, non seulement ce parti s’arrange pour se brouiller avec ses alliés naturels, mais aussi, envoie comme représentants à la CENI, des illustres inconnus dans les rouages électoraux ?
En effet, sans douter des capacités intrinsèques des deux représentants de l’UFC à la CENI, il est patent que ces deux hommes ne justifient d’aucune expérience passée au sein d’une institution chargée, à l’échelle nationale, de l’organisation d’une élection. Ce qui constitue par rapport aux deux autres candidats de l’opposition qui ont fait leur baptême de feu depuis 1998, un désavantage sérieux et certain. Positionner un néophyte à la tête d’une CENI au sein de laquelle se trouvent des gens rompus à la tâche est considéré dans certains milieux comme une erreur politique, d’autant plus que ce n’est pas des ressources qui manquent à l’UFC. Quelqu’un comme M. André Kouévi qui avait déjà siégé au sein de cette institution ferait bien l’affaire. Mais le parti a souverainement fait son choix.
Les débats s’annoncent donc houleux aujourd’hui à la CENI. Le jeu promet d’être d’autant plus serré que le mode de décision au sein de l’institution est le consensus.
Mais si à cause de la position de Me Agboyibo qui occupe la primature, le CAR venait à se retirer de la course, il restera en lice, le PDR et l’UFC. Le RPT qui, certainement, n’a envie de faire cadeau à personne et surtout pas à l’UFC, pourrait en ce moment-là jouer en faveur du PDR devenu son allié depuis quelque temps déjà. L’UFC, une fois encore se retrouverait marginalisée et tous ceux à qui ce parti fait ombrage se frotteraient les mains.
Mais dans cette éventualité, le RPT aura alors toutes les chances de réaliser à travers le PDR, ses desiderata. Il pourrait faire avec un Kolani, ce qu’il aurait voulu faire avec Petchelébia. Toujours est-il qu’à l’UFC on semble convaincu que les autres partis politiques n’ont d’autre choix que de désigner le représentant du parti s’ils ne veulent pas être accusés d’exclure l’UFC. Mais attendons de voir.
L.R
Publié dans LE REGARD N°513 du 24 Oct 2006]
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