En tant que président de la Ligue togolaise des droits de l’homme, quel bilan dressez-vous des violences qui ont émaillé l’élection présidentielle ?
Si l’on s’en tient aux victimes dont le sort a pu faire l’objet de vérifications, nous avons recensé une soixantaine de morts. La moitié d’entre eux ont succombé à la répression lors des manifestations qui ont suivi le décès d’Eyadéma. Les autres sont morts pendant la période électorale proprement dite. Mais ce bilan, qui inclut 455 blessés, doit être majoré : on a vu des militaires emporter des corps vers des destinations inconnues. Le gouvernement en place, violateur des droits de l’homme, ne peut être chargé des investigations. Il n’y aura pas de règlement de la crise togolaise sans une enquête sur les violences effectuée par une entité neutre sous le contrôle de la communauté internationale.
Le calme est-il revenu ?
Non, la chasse à l’homme continue dans les rues de Lomé comme en province. L’armée ratisse des quartiers entiers pour chercher ceux qui préparent des manifestations populaires. Depuis l’élection, certains jeunes ne dorment plus à la maison.
Qu’attendez-vous de la France ?
La France nous a déçus en fermant les yeux systématiquement sur les fraudes et les exactions. Les jeunes ne croient plus aux discours sur les droits de l’homme, et nous sommes désarmés devant ceux qui mettent en cause la France.
La réalité est que Faure Gnassingbé, que l’on dit instruit et moderne, est pire que son père dans sa manière de confisquer les libertés publiques. Les liaisons téléphoniques ont été interrompues et le Togo est resté coupé du monde pendant l’élection. Cela ne s’était encore jamais produit. Que l’on ne vienne pas nous dire aujourd’hui que l’oppression et l’arbitraire peuvent garantir la stabilité. La communauté internationale n’a-t-elle rien d’autre à nous proposer ?
Propos recueillis par Philippe Bernard
Article paru dans LE MONDE du 14.05.05
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