18/04/2024

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Akouété Paulin: Leader syndicaliste et héros de l’indépendance du Togo

Paulin Akouété était un leader syndicaliste, héros de l’indépendance. Ministre sous la 1ère République du Togo dans le cabinet Sylvanus Olympio, il était titulaire des portefeuilles de la Justice, du Travail, de la Fonction publique et des Affaires sociales. Pleins feux posthume sur le principal leader des syndicats qui soutinrent la lutte pour l’indépendance togolaise

par Ekoué Satchivi

Paulin Sêvi Akouété est identifiable par ses tatouages Pédah, son ethnie d’origine (deux entre les yeux, deux sur chaque pomme et autant sur chaque tempe. Il est né officiellement le 2 mars 1902 à Grand –Popo ( localité togolaise située de nos jours en territoire béninois), d’après l’acte de naissance qui lui a été délivré à l’époque par le commandant de cercle de cet ancien et légendaire port de la côte ouest-africaine. A la fin de sa formation scolaire, il manifesta l’ardent désir de devenir prêtre de l’Eglise catholique. Il entrera au Grand séminaire Saint–Gall de Ouidah (Gléhoué) avant d’abandonner par manque de vocation.

Le jumeau Paulin Sêvi Akouété qui perdit son second aussitôt leur naissance, deviendra alors moniteur, puis instituteur de l’enseignement primaire. Il débuta sa carrière professionnelle le 1er octobre 1924 à Aného ( Petit-popo) avant de devenir instituteur par voie de concours deux années plus tard. Muté sur Lomé, il exerça sa profession à l’Ecole primaire publique de la Route d’Anécho, une institution scolaire située au quartier Assiganto à Lomé, très célèbre pour avoir formé, bien de cadres togolais aujourd’hui à la retraite. Pour raison de santé, l’instituteur Akouété fort redouté par l’administration coloniale française pour la virulence de ses prises de position, sera détaché en janvier 1930 au service de l’Enseignement en qualité de secrétaire d’académie.

L’enseignement suscitera en lui une autre vocation , celle du syndicalisme. Paulin Sêvi Akouété sera alors élu Premier secrétaire de l’association des fonctionnaires et ouvriers du Togo. Il quittera le service de l’enseignement pour la Bourse du travail en qualité de syndicaliste permanent. La participation de Paulin Sêvi Akouété à la lutte pour l’indépendance était perçue par l’administration coloniale française comme un affront. Pour le punir, il sera pendant plus d’une décennie, privé de son salaire. Le leader syndicaliste luttera intensément pour faire triompher ses droits.

A la fin de la 2e Guerre mondiale, il fera la connaissance d’un certain Sylvanus Epiphanio Olympio, gérant de l’ African United Company ( UAC), une filiale de la firme anglaise Unilever. Les rapports entre les deux hommes, deviendront étroits à partir de 1946 lorsque Olympio s’affirmait comme un leader politique. Ancien membre de l’Assemblée Représentative du Togo (ART), Paulin Sêvi Akouété en sa qualité de principal leader des syndicats apporta un soutien de taille à la lutte pour l’indépendance du Togo. Les syndicats qui par essence, ont pour rôle la revendication d’intérêts professionnels , changèrent de fusil d’épaule en apportant leur précieux concours au dynamisme des partis du front nationaliste. Sur la quarantaine de syndicats de salariés recensés à l’époque au Togo, plus de la moitié se constituèrent en une Centrale baptisée Union des Syndicats Confédérés du Togo ( USCT), détachée de la Confédération Générale des Travailleurs ( CGT) métropolitaine. Paulin Akouété, conduira ce mouvement syndical qui avait été d’un soutien sans faille dans le combat du peuple togolais pour son indépendance.

Après l’historique victoire des partis du Front nationaliste aux élections/ référendum du 27 avril 1958, et en reconnaissance de tous les combats qu’il a menés ; Paulin Sêvi Akouété, le principal leader des syndicats entrera dans le gouvernement Olympio en qualité de Ministre de la Justice, du Travail, de la Fonction publique et des Affaires sociales, tandis que Dr Hospice Dominique Coco, son ami d’enfance, médecin réputé formé à la prestigieuse Ecole normale William Ponty de Dakar, se verra confier les portefeuilles des Finances et des Affaires économiques.

Paulin Sêvi Akouété, était une grande figure du syndicalisme africain, en raison pour des actes posés dans le cadre de l’Union Générale des Travailleurs de l’Afrique Noire (UGTAN). Il faisait partie de ces « braves Africains à élaborer discrètement avec les camarades français, la stratégie de pression sur un point précis à la Conférence de Brazzaville en 1944 : Obtenir la reconnaissance du droit syndical dans les colonies… » A la fin de la 1ère République togolaise soldée par l’assassinat de Sylvanus Olympio, il trouvera refuge pendant plus de trois décennies à Grand-Popo, sa ville en s’écartant de toute activité politique et syndicale.

Adepte du syndicalisme autonome, Akouété Paulin était l’émule dans les années cinquante du défunt président guinéen Ahmed Sékou Touré. Ce n’est pour rien qu’on associe au Togo, le nom du Président Olympio à celui de Akouété Paulin comme c’est le cas au Kenya, de Jomo Kenyatta à celui de Tom Mboya ; au Ghana, de Kwame Nkrumah et John Tettegah… L’ancien ministre Paulin Akouété avait été inscrit sur la liste des personnalités politiques conviées à prendre part aux travaux de la Conférence nationale et en présider le bureau provisoire. Mais à cause de récurrents ennuis de santé, il n’y sera pas. Le rôle reviendra finalement à son ancien collègue Namoro Karamoko. Atteint par l’âge, l’ancien séminariste à Ouidah, meurt le 12 octobre 1997 au Centre national hospitalier universitaire (CNHU ) de Cotonou à l’âge de 96 ans. Inhumé au quartier Hounsoucoé-Plage, ses obsèques furent simples, mais très riche en enseignement.

par Ekoué Satchivi

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Paulin AKUETE : le géant du syndicalisme africain !

AKUETE Paulin, est décédé le 12 octobre 1997, dans sa 96e année, lors de son enterrement qui eut lieu dans sa ville natale de Grand Popo au Bénin, le samedi 08 novembre 1997, un de ses petits-fils présenta une autobiographie qu’il avait pris le soin d’établir avant son décès. Voici comment il s’y présentait :

«Je me nomme Paulin Sêvi AKOUETE. Je suis né officiellement le 2 mars 1902 à Grand-Popo, d’après l’acte de naissance qui m’a été délivré à l’époque par le commandant de cercle de ma ville natale. J’ai été formé au Grand Séminaire de Ouidah avec pour désir de devenir prêtre de l’Eglise catholique. Mais, par manque de vocation, je suis alors devenu moniteur puis instituteur de l’enseignement primaire.

J’ai débuté ma carrière professionnelle le 1er octobre 1924 à Aného (Petit-Popo) avant de devenir instituteur par voie de concours en 1926. Je fus alors muté sur Lomé et ai exercé mon métier à l’Ecole primaire publique de la route d’Aného, une institution scolaire très célèbre qui a moulé bien des cadres togolais d’aujourd’hui. Mais, pour des raisons de santé, je serai détaché le 3 janvier 1930 au service de l’enseignement en qualité de secrétaire d’académie.

L’enseignement suscitera en moi une autre vocation, celle du syndicalisme. Je fus alors élu Premier Secrétaire de l’Association des fonctionnaires et ouvriers du Togo. Je serai détaché du service de l’enseignement pour la Bourse du travail comme syndicaliste permanent. Ma participation à la lutte du peuple togolais pour la liberté et l’indépendance, il faut le reconnaître, était perçue de la part de l’administration coloniale, française évidemment, comme un affront. Il faut me punir. J’étais demeuré plus de dix ans sans traitement mensuel.

Devant cette injustice flagrante, j’ai beaucoup bataillé. Nous étions à la fin de la IIe Guerre mondiale. Je fis la connaissance d’un certain Sylvanus Epiphanio OLYMPIO, gérant de la UAC (United Africa Company), une filiale de la firme britannique Unilever. Nos liens deviendront très étroits à partir de 1946 – 1947 lorsque mon ami s’affirmait comme un véritable leader politique.
Après la victoire des nationalistes du CUT (Comité pour l’unité togolaise) aux élections législatives du 27 avril 1958, placées sous le contrôle des Nations-Unies, l’ami Sylvanus fut pressenti par M. Georges Spénale, gouverneur d’alors et haut commissaire de la France au Togo, pour devenir le chef du gouvernement du nouvel Etat indépendant.

En formant son cabinet, Sylvanus OLYMPIO me fit appel pour occuper le poste de ministre de la Justice, du Travail, de la Fonction publique et des lois sociales. Mon ami d’enfance, le Dr Hospice Imoru Dominique Abou COCO, médecin, gynécologue et chirurgien sera, lui, nommé au département des finances et des Affaires économiques.

Après le putsch militaire du dimanche 13 janvier 1963 soldé par la mort du Président OLYMPIO, j’ai été contraint de partir vivre en exil. Depuis lors, j’étais à Grand-Popo (dans ma maison à Hounsoucoué-Plage).»

(Source de Nyawo n°51, 8 décembre 1997)