Prévue pour le jeudi 5 janvier, la marche décidée par l’Intersyndicale des travailleurs du Togo (ISTT) regroupant les centrales syndicales CNTT, CGCT, CSTT, UGSL et UNSIT, n’a finalement pas eu lieu. « La base n’est pas d’accord ! » : tel est le sentiment qu’exprima avec colère, nombre de travailleurs qui se sont sentis trahis après avoir participé aux deux Assemblées générales – houleuses – qui se sont tenues les mercredis 4 et jeudi 5 janvier pour faire le point sur la situation. La frustration était grande, car ils tenaient à exprimer leur ras-le-bol face à la politique du gouvernement : « Ils n’ont pas d’argent pour payer ce qu’ils doivent aux travailleurs mais ils trouvent de l’argent pour fêter le 13 janvier ! »
Le Premier ministre Edem Kodjo mit alors au point une stratégie visant à désamorcer le mouvement. Dès le début de la nouvelle année, il eut une rencontre avec les responsables de l’ISTT auxquels il fit de vagues promesses : paiement de 3 mois de salaires en janvier-février c’est-à-dire de l’arriéré du mois de novembre fin février en ce qui concerne les revendications salariales, mise en place d’une commission conjointe avec le ministre du commerce pour étudier la question de la révision des prix des produits pétroliers, engagement d’un « dialogue social » à partir du 15 janvier pour discuter des autres revendications présentées par les centrales syndicales.
Mais, fort curieusement, ces promesses n’ont même pas fait l’objet d’un document signé ce qui ne leur donne aucun caractère d’engagement sérieux.. Malgré cette situation de flou, les responsables syndicaux se sont engagés devant Edem Kodjo à annuler la marche pacifique décidée par l’Assemblée générale du 28 décembre et ont été poussés, au sortir de leur rencontre avec le Premier ministre, à tenir une Conférence de presse pour annoncer la nouvelle de cette annulation.
Contre cette situation, nombre de travailleurs n’ont pas manqué de s’élever et d’exprimer vigoureusement leur colère tant aux Assemblées générales des 5 et 6 janvier que dans les interviews qui leur ont été faites sur les médias. « Ils n’auraient pas dû prendre et annoncer cette décision sans nous consulter ! Ils auraient dû venir rendre compte à la base d’abord et c’est à elle qu’il appartient de décider s’il faut annuler la marche ou non ! Ils n’ont pas le droit de faire ce qu’ils ont fait ! . Devant ce vent de fronde, Tsikplonou, secrétaire général de l’UGSL, porte-parole de l’ISTT, crut devoir s’expliquer, bien maladroitement : « Nous sommes partis chercher du charbon, nous sommes revenus avec de la cendre ! », dans les interviews qu’il accorda aux médias indépendants.
En réalité, la seule explication qu’on peut donner à ce véritable marché de dupes vient de la composition interne même de l’ISST, où on retrouve des syndicats de la mouvance RPT que sont la CNTT (l’ancienne centrale unique) et l’UGSL (une « centrale syndicale » constituée par le RPT en 1992 pour combattre la grève générale illimitée déclenchée au mois de novembre de cette année-là par le Collectif des syndicats indépendants – CSI. Quant à cette dernière, il convient de faire remarquer que l’ancien responsable d’une de ses composantes, Akolly, ancien président du Groupe ses syndicats autonomes (GSA) est, depuis la nomination d’Edem Kodjo au poste de Premier ministre, devenu son « conseiller » qui l’assiste es qualité lorsqu’il reçoit ses anciens camarades syndicalistes ! Par ailleurs, il est de notoriété publique qu’Edem Kodjo a encore d’autres « amis » dans les directions syndicales. C’est pourquoi, face à la marche du 5 janvier et les craintes qu’elle succitait, il mit tout en œuvre pour la désamorcer et la faire annuler.
Si les responsables syndicaux ont ainsi réussi à trahir leurs bases, rien n’est pour autant joué. La volonté d’en découdre avec le gouvernement est dominante au sein de la population, voir la manifestation spontanée qui s’organisa pour dénoncer la situation faite aux Eperviers. Cet « avertissement » se prolongea jusqu’au vendredi 6 janvier à travers les rues de Lomé avec l’appoint des pèlerins qui devaient se rendre à la Mecque cette année et entendaient dénoncer l’escroquerie dont ils ont été victimes de la part des organisateurs de voyages auxquels ils ont déboursé 1 250 000 F CFA chacun. Face au scandale qui mettait en cause la cupidité d’organisateurs proches du régime RPT, ce fut le président de la République de fait, Faure Essozimna GNASSINGBE lui-même, qui eut à recevoir une délégation des pèlerins abusés.
A la base des syndicats, le sentiment qui prévaut est de remettre sur pied l’organisation de marche car le miroir aux alouettes que constitue le fameux « dialogue social » annoncé pour l’après 15 janvier n’est qu’esbroufe. Et tout laisse à penser qu’instruit par leur première expérience, ils ne se laisseront pas plus facilement berner à nouveau. Tous les développements actuels montrent qu’incontestablement, quelque chose est en train de bouger dans la situation togolaise où tout semble indiquer que nous allons vers des événements majeurs. Une situation qui se nourrit de l’entêtement du clan GNASSINGBE à provoquer le peuple togolais à travers sa « fête » à l’occasion de la commémoration du 43e anniversaire de l’assassinat de Sylvanus Olympio, le 13 janvier 1963 et à se refuser à faire droit à ses aspirations politiques et sociales. C’est avec la plus grande attention que ces développements à venir doivent donc être suivis.
La rédaction letogolais.com
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