29/03/2024

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Paris reçoit un président togolais en quête de légitimité

Moins de dix-huit mois après son élection marquée par le sang et la fraude, le président du Togo, Faure Gnassingbé, devait être reçu par Jacques Chirac, jeudi 7 septembre. Après Bruxelles et Rome, Paris est l’ultime étape d’un voyage conçu pour parachever sa reconnaissance internationale.

Le principal enjeu de ce périple consiste en la reprise de l’aide de l’Union européenne (UE), déterminante pour la population de ce petit pays, interrompue depuis les violences politiques de 1993. Au-delà sera jaugée la capacité du fils du général Eyadéma Gnassingbé, mort en février 2005, à faire évoluer vers la démocratie un Etat largement confisqué par son propre clan familial.

Faure Gnassingbé, 40 ans, a symboliquement obtenu son passeport pour l’Europe le 20 août, lorsqu’a été paraphé à Lomé, par l’ensemble des partis de l’opposition togolaise, un « accord politique global » qui prévoit un prudent partage du pouvoir avec lui.

L’accord, conforme aux exigences posées par l’UE, prévoit la formation d’un « gouvernement d’union nationale » jusqu’à des élections législatives prévues pour 2007. Le texte élargit la commission électorale et supprime les règles d’éligibilité conçues pour éliminer certains opposants. La décrispation consécutive à sa signature s’est traduite par le retour des deux tiers des Togolais qui avaient fui la répression, en avril 2005, au Bénin et au Ghana.

A Bruxelles, le président togolais a déjà recueilli les fruits de cet accord : « Les conditions sont aujourd’hui recréées pour un partenariat de confiance entre l’UE et le Togo », a déclaré Louis Michel, commissaire européen au développement, en le recevant, mardi.

Le Togo, dont le manque à gagner s’élève à près de 80 millions d’euros par an, pourrait recevoir 90 millions de subventions européennes d’ici à la fin 2006, contre la fixation d’une date pour les législatives. Une date trop proche comporterait le risque qu’elles soient bâclées et provoquent de nouvelles violences.

« Cet accord, c’était le minimum pour éviter le pire. Mais il est comme le lait sur le feu : au premier accroc, tout sera fichu », commente François Boko, ancien ministre de l’intérieur passé dans l’opposition. M. Boko s’indigne du maintien de la disposition constitutionnelle qui dispense le chef de l’Etat de choisir un premier ministre parmi la majorité parlementaire.

L’autre « accroc » possible, aux yeux de l’opposition, résiderait dans le maintien d’Edem Kodjo au poste de premier ministre. L’accord d’août glisse sur le sujet, mais les responsables de partis hostiles à M. Gnassingbé, divisés, considèrent que le changement promis alors passe par la nomination de l’un d’eux pour diriger le gouvernement d’union nationale.

« Nous espérons que le président reviendra d’Europe avec les idées claires », dit Léopold Gnininvi, l’un de ces « premier-ministrables ». « La suite de notre coopération dépend de la nomination du premier ministre », insiste Gilchrist Olympio, président du principal parti d’opposition. Longtemps contempteur du soutien français au « dictateur putschiste », M. Olympio sait gré à la France de « ne plus s’afficher comme amie » mais lui reproche, à présent, de « ne pas accompagner suffisamment la transition ».

La France, critiquée pour son soutien au régime par la gauche et des ONG, s’est faite plus discrète. Elle mise sur une démocratisation progressive que Faure Gnassingbé, diplômé en gestion, serait le mieux à même de conduire. Cette prétention à extraire le jeune président de la pression de sa quarantaine de frères et soeurs a des limites. L’un des frères du chef de l’Etat, Patcha Gnassingbé, conserve la direction de la zone franche de Lomé depuis qu’il a été nommé ministre de la défense. Et Rock Gnassingbé, mis en cause pendant le Mondial, reste président de la juteuse fédération togolaise de football.

Philippe Bernard
Article paru dans l’édition du 08.09.06