En bon sadique, Eyadéma Gnassingbé vous fait toujours souffrir jusqu’au retranchement où vous ne l’attendez pas du tout. Il y a quelques semaines, il a manipulé quelques habitants de Yadè Bohu pour qu’ils renient leur député Dahuku Péré. Tant bien que mal, ceux-ci l’ont tenté. Pour s’imposer comme seul maître à bord, il est allé au village natal du « député rebelle » comme pour le défier. Eh bien, les habitants du village ne sont plus ce qu’ils étaient, c’est-à-dire des muets passifs. Ils ont trouvé leur moyen d’expression: la chanson traditionnelle.
La chanson traditionnellement, a toujours servi au delà de son aspect festif, à corriger en ironisant ou même en plaisantant « moqueusement » avec les personnes nuisibles et dangereuses dans les sociétés. La preuve vient d’être renforcée à Kara.
Les luttes traditionnelles se font en pays Kabyè sur fond d’impertinence. Pendant tout son règne, Eyadema n’a pas réussi à faire de la lutte traditionnelle Kabyè un sport national comme c’est le cas au Sénégal et ailleurs. Au contraire, il en a fait quelque chose qui isole le peuple Kabyè, seul en définitive concerné par une tradition et un sport qui devait appartenir au patrimoine nationale togolais. La folie des grandeurs du Monsieur, son souci de s’approprier toute une ethnie et d’y recruter ses militaires, a donné un sens négatif aux Evala au Togo. L’impertinence de Monsieur Eyadema et la réprobation de sa présence par la population, se seront exposées à l’édition des Evala 2002 à Yadè Bohu.
Depuis samedi 13 juillet, ont débuté à Kara les luttes traditionnelles des Evala. L’événement serait passé inaperçu comme d’habitude, si cette manifestation ne se doublait d’une fronde. Elle comporte en réalité une double vérité.
Tout le monde est d’avis qu’à Kara, c’est l’antre du président Eyadema. Mais la grosse surprise vient non des lutteurs mais des chanteurs qui encouragent les lutteurs. Des supporters. Et ces spectateurs disent des choses énormes.
Le lundi 15 juillet 2002 à Yadè-bohu le canton de Dahuku Péré , les spectateurs ont été « insolents. » Ils ont procédé comme la tradition le veut. La chanson traditionnelle, expression de liberté.
En présence du président de la République, on a entendu:
« Chemise du RPT
Chemise de mensonge
Chemise d’Eyadema
Chemise de mensonge
Chemise d’Eyadema
Chemise de voleurs
Eyadema et sa bande
Bande de voleurs
Dahuku Péré
Homme de vérité
Dahuku Péré
Homme de demain
Agbéyomé Kodjo
Homme de vérité
Agbéyomé Kodjo
Homme de demain »
Pendant que des pancartes hypocrites annonçaient « Le RPT était, le RPT est, le RPT vivra toujours » ; « Avec Eyadema, c’est la paix au Togo » ; « vive Eyadema pour que vive le Togo nouveau » ; etc., etc.
Et comme toujours, notre Télévision n’a rien fait d’autre que de nous montrer ce qui arrange le régime fini.
Le ridicule pour Eyadema, c’est que la chanson se chantait très près de lui qui, toute honte bue, est resté jusqu’à la fin de la finale. Que diable allait-il chercher chez Péré qu’il tente d’éliminer?
Même tard dans la nuit, les lutteurs ont repris dans les quartiers cette chanson devenu le credo à Kara. Les populations, lorsqu’elles sauront la vérité qu’on leur cache, prendront leur destin en main et ce sera tant pis pour les intellectuels qui se croient plus malins que ceux qui les ont enfantés. D’un autre côté, ceux qui pensent que la Démocratie est plus leur affaire que celle des autres n’ont qu’à relire leur manuel sur la démocratie en attendant le grand jour de libération.
Bordeaux, France, 29 juillet 2002
Alembravo
More Stories
Le décès du révérend FADA DOVI : La marque et la trace
In memory de Mouta Gligli-Amorin: Homélie du Père Aubin Amegnikou
Togo- COVID-19 GATE : les OSC montent au front