Organisons la solidarité avec les membres du Regroupement “Quelle solution pour le Togo ?”, victimes de la répression
Chers(es) amis(es),
Dans un Appel que nous vous avions lancé il y a quelques mois, nous sollicitions votre contribution au combat pour la démocratie au Togo, devant la nécessité, par notre effort commun, d’assurer notamment :
“la prise en charge et l’assistance aux démocrates victimes de l’arbitraire et de la répression ainsi que leurs familles et la nécessité d’assurer leur défense en constituant des avocats à cet effet”.
La vague répressive qui continue de se déchaîner dans tout le Togo avant, pendant et après la mascarade d’élection présidentielle du 1er juin dernier donne une brûlante actualité à cet appel que nous vous lancions.
En effet, nombre de démocrates, parmi lesquels des membres de notre Regroupement “Quelle solution pour le Togo ? ” ont été arrêtés et croupissent actuellement dans les geôles du régime dictatorial de Lomé, certains depuis plusieurs mois alors que d’autres ont été contraints à l’exil.
Ils sont non seulement détenus à la Sûreté nationale, à la Gendarmerie et à la Prison civile de Lomé mais aussi dans les centres de détention de l’intérieur du pays notamment à Kara où il y a lieu d’avoir les plus vives inquiétudes quant à la préservation de leur vie, torturés qu’ils sont régulièrement.
Par ailleurs, nombre de militants ont dû s’exiler dans les pays voisins comme lors des terribles vagues répressives qui ont sévi dans notre pays au cours des années 1990.
Vous trouverez, dans les pages suivantes, des témoignages poignants sur leur situation.
Nous devons leur venir en aide financièrement car de nous dépend le fait que ces militants gardent leur dignité et ne tombent pas.
En effet, leur prise en charge représente pour leur famille une charge très lourde qui fait souvent défaut dans la situation de misère généralisée qui règne dans tout le Togo.
Il faut savoir par exemple que, pour chaque détenu à la Prison civile de Lomé, sa famille doit au minimum engager les frais suivants :
— Frais de déplacement par taxi-moto “zémidjan” (au moins 2 fois par jour) : 1 200 F CFA
— Ticket pour droit de visite à la prison (2 fois par jour) : 400 F CFA
— Pourboires exigés aux 4 points de contrôle de la prison (2 fois) : 6 00 F CFA
— 2 repas par jour (la nourriture servie à la prison étant infecte) : 1 200 F CFA
— Besoins du détenu (toilette, médicaments, droits divers à l’intérieur de la prison) : 200 F CFA
Total par jour = 3 600 F CFA
Soit au total par mois : 3 600 F CFA x 30 = 108 000 F CFA
A ces frais, il faut ajouter la prise en charge de la famille du détenu, les frais d’avocats pour assurer sa défense, etc.
Vous conviendrez que nous ne pouvons pas laisser les familles de nos camarades de lutte, réprimés pour notre combat commun pour la démocratie, faire face, seules, à des charges aussi lourdes, alors que les salaires sont très irrégulièrement payés et que toute l’économie nationale est ruinée.
C’est pourquoi le Regroupement «Quelle Solution pour le Togo ?», constitué à l’initiative du Parti des travailleurs, renouvelle son appel à toutes les Togolaises et à tous les Togolais, à contribuer au combat pour la démocratie dans leur pays, pour aider à venir en aide aux victimes de la répression. Il y a urgence.
Merci à toutes et à tous ceux qui ont déjà répondu ou qui répondront favorablement.
JUDES PRUDENCE ALEKE
Un exemple de violation honteuse des droits humains au Togo d’Eyadéma
(Article intégral du DOSSIER POLITIQUE de l’hebdomadaire togolais d’information et d’analyse : MOTION D’INFORMATION – N°234 du 14 au 20 juillet 2003, page 2.)
Chaque fois que le régime Eyadema est épinglé par les organisations internationales des droits de l’homme pour sa forte propension à violer les droits de l’Homme et les libertés publiques, la propagande politicienne du RPT se met en branle pour crier au mensonge et à la jalousie. Les dictateurs se nourrissent de la peur qu’elles font subir aux populations et qu’elles entretiennent par la terreur et l’ignominie. La folie « terroriste » de la dictature togolaise n’épargne personne, des plus hautes personnalités de l’opposition au petit paysan sans histoire qui préfère aller cultiver son champ que d’aller applaudir les sornettes du préfet en campagne commandée pour le « grand boss », tout le monde y passe. Si nous avons choisi de revenir sur le cas de Judes Prudence ALEKE, c’est parce qu’il est révélateur de l’état de non droit sous lequel vivent les togolais depuis bientôt quarante ans. Judes Prudence ALEKE est déclarant en douane de profession, militant de l’UFC, membre du bureau de l’organisation de jeunesse Nouvelle Dynamique Populaire (NDP) et membre du bureau du regroupement « Quelle Solution pour le Togo?». Le mercredi 07 mai 2003, aux environs de 08H du matin, quatre individus en civil se sont présenté à la mère de M. Judes Prudence ALEKE, lui déclarant qu’ils souhaiteraient voir son fils pour lui confier un dossier.
Ne se doutant de rien et croyant naïvement au motif avancé par les visiteurs, la pauvre mère a fait appeler son fils, alité ce matin-là, victime d’une crise d’asthme. A peine s’était-il présenté que sans même lui laisser le temps de s’habiller, les visiteurs qui en fait étaient des policiers, l’embarquèrent de force, à demi nu, dans un véhicule banalisé immatriculé RT 2661 U et dans lequel était tapi un agent en uniforme.
Depuis ce 07 mai 2003 jusqu’au mercredi 09 juillet 2003, date de notre dernière enquête, M. Judes Prudence ALEKE était toujours gardé à la Direction Générale de la Police Nationale (DGPN). Son état de santé n’a cessé de se dégrader de jour en jour. M. Judes ALEKE vient de boucler plus de deux mois à la Sûreté Nationale sans savoir de quoi il est coupable. Ses conseils qui ont voulu connaître les raisons de son incarcération n’ont pas été admis à le voir. C’est le cas de Maître SOKPOH et de Maître Devotsou, Président de la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme (LTDH), celui-ci était même muni d’une autorisation du procureur de la République.
Certains leaders des partis politiques qui ont voulu apporter un soutien moral à ce vaillant militant n’ont pas été aussi autorisés à le voir. En juin dernier, M. ALEKE a été convoqué pour interrogatoire. Durant l’interrogatoire, M. ALEKE a été intimidé et menacé. La preuve, on lui a demandé de signer des procès verbaux dont il n’avait même pas lu les contenus. Chaque fois qu’il réclamait la présence de ses avocats avant de signer n’importe quel document, on lui opposait un refus catégorique.
Lors de deux interrogatoires successifs, on lui a signifié qu’il est gardé, selon les « consignes » (de qui ?) pour les besoins d’enquête. Ce qu’il faut noter, c’est qu’on cherchait à travers ces interrogatoires à trouver un alibi pour déférer M. ALEKE à la prison civile de Lomé. Ce qui d’ailleurs fut fait le 1er juillet 2003.
L’INCARCERATION DE M. ALEKE, UNE PROCEDURE UNIQUE EN SON GENRE :
En effet, la police ne trouvant aucun motif d’inculpation à retenir contre lui, M. ALEKE devait être relâché immédiatement et sans condition ; selon les policiers de la Sûreté Nationale, il devait se présenter chez le procureur de la république qui devait décider de son sort. Il passa seulement chez ce dernier pour quelques formalités d’enregistrement et fut aussitôt conduit au bureau du juge d’instruction, ce, en l’absence de son avocat. Selon certains juristes, ils n’ont jamais eu l’occasion de vivre pareille procédure même dans les plus vieilles dictatures du monde.
Il est à retenir que M. ALEKE n’a pas été interrogé par le juge d’instruction sur ce qui s’est réellement passé le 07 mai. Ce dernier s’est contenté de l’intimider et de tenir un monologue sans précédent. Il a trouvé que le chef d’accusation « tentative de trouble à l’ordre public » n’était pas bien indiqué pour et qu’il s’est permis de le changer en « appartenance à un groupe de malfaiteurs qui troublent l’ordre public », ce que M. ALEKE a formellement refusé de signer. Il lui a été demandé de signer un mandat de dépôt pour être gardé soit à la prison civile de Lomé soit à la direction de la police sans aucune formalité mais M. ALEKE a toujours refusé de s’exécuter.
Face à son refus de tomber dans ce piège, il a été traité de « traître » et le juge a menacé de joindre son dossier à celui des individus arrêtés dans le cadre des événements du 07 mai 2003 à Bè (incendie de deux ou trois stations d’essence). Tout ceci s’est déroulé sans la présence d’aucun de ses avocats. M. ALEKE est en fait victime d’une machination sans pareille de grandes instances judiciaires du Togo.
Après cette tentative de manipulation, M. Dagbovi et M. Aleke ont été ramenés à la Sûreté Nationale, à pied, les menottes au poignet, sous la conduite de deux gardes en civil. En effet, le juge d’instruction a demandé qu’ils soient gardés toujours à la sûreté et qu’il passera les voir si nécessaire pour interrogatoire. Il s’agit là d’une violation flagrante de toutes les dispositions légales régissant la détention préventive puisque le Code pénal en son article 52 dispose formellement en la matière que,
« si, pour les nécessités de l’enquête, l’officier de police judiciaire est amené à garder à sa disposition une ou plusieurs personnes contre lesquelles il existe des indices graves et concordants de nature à motiver leur inculpation, il ne peut les retenir plus de 48 heures. Le délai prévu à l’alinéa précédent peut être prolongé d’un nouveau délai de 48 heures par autorisation du Procureur de la République ou du juge chargé du Ministère Public. Si l’arrestation est opérée hors du siège du Ministère Public, ce délai est augmenté de 24 heures, temps nécessaire à la conduite de la personne gardée à vue devant le magistrat compétent. »
(Extrait du code de procédure pénale – Journal officiel de la République togolaise du 03 mars 1983)
Depuis ce jour, rien de concret ne s’est produit jusqu’à ce qu’il soit déféré dans la précipitation le 09 juillet 2003 à la prison civile de Lomé. En fait, cette précipitation était due à la visite programmée de la CNDH et surtout à la pression exercée par Me AMADOU au niveau du procureur de la république. M. Aleke a été déféré sans aucun enregistrement et sans qu’aucun PV n’ait été transmis au parquet.
A la prison civile de Lomé, M. Aleke a rencontré une délégation de la CNDH pour une interview. Le chef de sécurité de la prison prétend l’avoir enregistré le 1er juillet 2003 avant de le laisser repartir pour la sûreté Nationale, ce qui ne s’est jamais produit. M. ALEKE a reçu, pendant son séjour à la Sûreté, plusieurs propositions que nous préférons ne pas relater, pour des raisons de sécurité. De cette situation, il découle que l’arrestation de M. Judes Prudence Aleke n’a qu’un seul but, celui de l’utiliser pour ternir l’image des organisations politiques au sein desquelles il milite.
JUDES ALEKE, SYMBOLE DE COURAGE ET DE BRAVOURE FACE A L’OPPRESSION :
Judes Aleke vit aujourd’hui ce qu’ont déjà vécu des milliers de togolais ; son cas n’est pas isolé ; des gens célèbres et moins célèbres ont vécu les affres de la dictature. Aujourd’hui, toutes les populations vivent dans la peur ; la peur de se faire trucider ou de disparaître du jour au lendemain sans laisser de traces comme David Bruce et d’autres anonymes civils et militaires.
Le cas de Judes est exemplaire parce qu’il symbolise le refus de la fatalité du terrorisme d’Etat exercé par le pouvoir contre le peuple. Dans les locaux de la police nationale ou dans sa cellule, morbide de la prison de Lomé, Judes a continué à résister dans l’honneur et la dignité : certains de ces tortionnaires avouent en privé ne rien comprendre à ce qu’on reproche à ce garçon dont le courage force l’admiration et sert d’exemple à tous ceux qui, au Togo ou ailleurs se battent contre l’autocratie et les atteintes aux libertés et aux droits humains. Les organisations internationales ne désarment pas et se mobilisent pour faire du cas de Judes ALEKE un appel lancé à tous les Togolais afin qu’ils ne faiblissent pas et ne baissent pas les bras dans leur combat de tous les jours contre la dictature sur la « terre de nos aïeux ».
Maimouna SALAMI
Lettre d’un militant contraint à l’exil
Salut camarade,
C’est de la part de ton camarade de lutte.
Tu aurais appris sans doute les événements de Tsévié le 1er juin.
Cela m’a poussé avec un camarade de lutte dans le maquis.
Nous, mon ami et moi, sommes activement recherchés par le pouvoir en place au Togo et ce, depuis le scrutin du 1er juin dernier et avons quitté le pays, après avoir passé plus d’une semaine dans la clandestinité, poursuivis et traqués par la police et la gendarmerie comme des bêtes.
Le pouvoir nous accuse d’avoir commandité la destruction des urnes qui a conduit à l’invalidation du vote, dans toute la Préfecture du Zio dont le Chef lieu est Tsévié, une ville à 35 km au nord de Lomé. Il est vrai que, compte tenu de nos responsabilités respectives, nous nous sommes sérieusement impliqués dans le contrôle du scrutin, ayant été écartés de son organisation. Cela faisant, nous avons découvert et révélé des fraudes massives mises en place par les autorités locales du RPT pour faire laminer les candidats de l’opposition au profit d’Eyadéma. A l’approche du scrutin, le climat était devenu malsain dans la préfecture. Le Préfet, un ancien député de l’opposition qui est passé au RPT avec son siège, aidé du Maire nommé de Tsévié, a transformé les chefs des villages et les activistes du RPT en instruments de provocation et d’intimidation. C’est en réunion publique, par exemple, que le Préfet a demandé aux Chefs des villages d’empêcher par tous les moyens, y compris et surtout par la violence, les meetings de l’opposition pendant la campagne électorale. Il a fait radier, sans explication, plus de la moitié des électeurs sur les listes électorales, et retenir les cartes des électeurs indésirables qui ont été inscrits malgré la censure.
Lorsque le jour du scrutin, les populations ont constaté que les urnes ont été bourrées avant l’ouverture des bureaux de vote et que les délégués des candidats de l’opposition avaient été chassés (des fois à coups de matraque) des bureaux, lorsque surtout des électeurs ont été empêchés de voter parce que quelqu’un d’autre venait de le faire à leur place et avait émargé devant leur nom, lorsqu’enfin le réseau de communication par téléphone cellulaire a été coupé déjà à 8h 30mn, empêchant les militants de l’opposition de s’en référer à leur coordination pour conduite à tenir, vous comprenez que dans ces conditions, il faut être un surhomme pour ne pas laisser éclater sa colère et détruire des résultats fabriqués de toutes pièces et de cette façon grossière.
Vers 9 heures donc ce jour-là, les opérations de votes étaient clôturées dans le Zio. Le soir, le bilan était dramatique : point de suffrage exprimé mais des urnes fracassées, le siège de l’organisation électorale (mairie de Tsévié) mis à sac, beaucoup de blessés par balles réelles et au moins deux jeunes tués à bout portant par des soldats.
Jusqu’au moment où je t’envoie ce message, des rapts de jeunes continuent dans la localité.
Quant à nous deux, tous les moyens sont mis en œuvre pour nous retrouver. Non seulement, nos domiciles sont sous surveillance mais aussi nos parents et amis sont pressés de révéler notre cachette.
Des témoignages existent dans ce sens.
Un journal «alimentaire» de la place a été même mis à contribution dans lequel on nous a accusés d’avoir emporté des vélos, des documents précieux de la mairie et des toits d’écoles (cf. extrait de Tingo-Tingo).
Ces menaces nous ont poussés dans la clandestinité et sentant l’étau se resserrer sur nous, nous avons, avec l’aide (d’amis), réussi à passer la frontière. Actuellement nous sommes dans les mains (de certains amis). Je te prie au nom de notre amitié de faire quelque chose pour nous.
Nous ne sommes pas du tout en sécurité là où nous sommes.
Je compte sur toi.
(Le camarade)
More Stories
Le décès du révérend FADA DOVI : La marque et la trace
In memory de Mouta Gligli-Amorin: Homélie du Père Aubin Amegnikou
Togo- COVID-19 GATE : les OSC montent au front