Depuis la mort, le 5 février dernier, du dictateur et ami des gouvernants français, Eyadéma, les manifestations continuent à Lomé, capitale du Togo, contre l’installation au pouvoir par un coup de force militaire de Faure Gnassingbé, l’un des fils du défunt dictateur.
Gnassingbé a fait main basse sur l’État togolais sans consulter personne: ni la population bien sûr, qui n’a rien à attendre de bon de lui, ni l’opposition, ni surtout le gouvernement français, qui considère sans complexe avoir toujours un droit de regard sur son ancienne colonie. À peine connue, la prise du pouvoir par Gnassingbé a donné l’occasion à Michèle Alliot-Marie, la ministre de la Défense, de manifester tout le mépris du gouvernement français pour le pays. Le contenu comme le ton de ses déclarations à la radio et à la télévision parlaient du Togo comme s’il était encore sous l’autorité de la France, comme si les Togolais n’étaient que des sujets. Le gouvernement français s’est indigné du coup d’État de Gnassingbé parce qu’il n’a visiblement pas été consulté et n’a probablement pas reçu les assurances qu’il attend quant à la défense de ses intérêts au Togo. Car ce n’est pas le fait que le nouvel homme au pouvoir au Togo -mais on ne sait pas encore pour combien de temps- ait agi comme un soudard et s’apprête probablement à exercer la même dictature que son père qui indigne le gouvernement français. En Afrique, ce dernier a montré qu’il peut s’entendre avec les pires dictateurs, lorsqu’ils sont capables de préserver les intérêts politiques et économiques de l’impérialisme français. Chirac ne qualifiait-il pas Eyadéma -encore au lendemain de sa mort- d' » ami de la France et un ami personnel », en dépit de la corruption notoire du régime, de l’oppression et de la misère qu’il faisait subir à la population togolaise?
Aujourd’hui, tandis que les militaires tirent contre les manifestants togolais et que le pays semble au bord du chaos, les dirigeants français font mine de s’inquiéter du sort des quelque 2500 ressortissants français présents dans le pays. Mais le soutien français au dictateur précédent comme l’ingérence française dans la situation actuelle ne peuvent que nourrir l’hostilité de la population togolaise à l’égard de l’ensemble de la communauté française au Togo. D’autant que les Blancs sont dans ce pays, comme dans tous les pays africains, des privilégiés au milieu d’une immense misère. Même s’il ne s’agit que de petits cadres de grandes sociétés, de fonctionnaires de l’État français, ils bénéficient de conditions de vie qui n’ont rien à voir avec celles de la grande majorité des Africains.
Les troupes françaises, présentes au Togo mais aussi au Congo, au Sénégal et en Côte-d’Ivoire, ont été mises en état d’alerte. Comme en Côte-d’Ivoire, le gouvernement français est prêt à invoquer la présence de ses ressortissants au Togo pour justifier une éventuelle intervention militaire avec des conséquences dramatiques pour la population africaine mais aussi pour les ressortissants français.
Car le gouvernement français n’a finalement guère moins de mépris pour leur sauvegarde et celle de leurs familles qu’il n’en a pour l’ensemble de la population africaine.
Lucienne PLAIN
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