Par Myriam COLLADO *
Je travaille dans une association française d’aide au développement au Togo. Suite aux troubles politiques au Togo liés aux résultats de l’élection présidentielle du 26 avril 2005, les togolais avec qui nous travaillons sont depuis le 30 avril réfugiés dans un camp au sud de la région Volta. Depuis cette date, les informations du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) ont fait état de plus de 15 000 réfugiés togolais au Ghana sans donner aucune précision sur l’existence de camps de réfugiés dans ce pays.
Je me suis rendue au Ghana du 12 au 22 juin 2005 pour rendre visite à nos amis réfugiés et leur apporter des médicaments qu’ils avaient réclamé (après être entrée en relation avec l’association Pharmacie Humanitaire Internationale). Je vous écris aujourd’hui pour vous donner un témoignage de ce que j’ai pu constater durant mon séjour.
Jusqu’à présent les réfugiés n’avaient pas accès à l’eau potable qu’ils sont obligés d’acheter et la nourriture qui leur est distribuée est insuffisante qualitativement et quantitativement. Dès le début, nous leur avons envoyé de l’argent pour les aider à subsister et nous continuons à le faire. Cet argent leur sert à se nourrir, à acheter de l’eau et du charbon pour faire la cuisine. Cependant les conditions de vie matérielles et sanitaires de ce groupe de réfugiés restent préoccupantes pour le moment et je peux confirmer la gravité de la situation pour l’avoir vue de mes propres yeux.
Lorsque des réfugiés tombent malades, ils prennent eux même l’initiative de se rendre dans un hôpital situé à plus de 10 km : cependant, ils sont obligés de payer les transports en commun pour accéder à l’hôpital et souvent, ne pouvant prouver leur statut de réfugiés, le personnel hospitalier les renvoie sans les recevoir en consultation ou alors les reçoit à condition qu’ils puissent payer les frais médicaux. Cette situation est inacceptable pour des personnes qui, obligées de fuir leur pays, n’ont bien entendu aucuns moyens financiers !
Je sais que le gouvernement ghanéen a nié la présence des réfugiés togolais sur son sol. Cette attitude s’est traduite depuis lors par une indifférence totale aux milliers de Togolais qui sont laissés à leur propre sort. J’ai aussi compris, compte tenu de l’attitude des autorités ghanéennes, que les moyens d’action du HCR ont été limités.
Ainsi, aucune structure correcte n’a été mise en place ni pour accueillir les réfugiés ni pour améliorer leurs conditions de vie. Tous les jours on assiste à des décès de femmes en couche, de personnes âgées exténuées par la faim, et de cas de maladies, des plus bénignes aux plus graves. Et tous ces enfants, ces jeunes dont la scolarité importe peu et laisse tout le monde indifférent !
Sans compter l’assistance psychologique que les réfugiés réclament en vain depuis 2 mois et qui leur serait pourtant très utile compte tenu de ce qu’ils ont vécu avant d’arriver là !
Nous ne comprenons pas les raisons qui justifient ce mépris avec lequel la communauté internationale traite les Togolais.
Les réfugiés togolais ne demandent pas au Président Kufuor et à son gouvernement de les considérer comme des frères en désespoir, mais tout simplement de leur reconnaître leur statut d’hommes.
Pourquoi l’ONU tarde à prendre ses responsabilité devant le drame que vivent en silence les réfugiés togolais au Ghana. Sa commission d’enquête présente au Togo, devrait faire un tour à SATSIMADJA, à PENYI, à HOHOE, et autres, pour mesurer l’ampleur de l’injustice que vivent les réfugiés.
Pourquoi le HCR ne parvient pas à octroyer à tous leur statut de réfugiés et faire en sorte que les droits afférents à ce statut soient effectifs ?
Comment se fait-il que le HCR ne réussisse pas à faire pression sur le gouvernement Kufuor afin que les Togolais en détresse et exilés au Ghana puissent être sauvés ?
J’étais présente dans le camp de réfugiés le 20 juin 2005, journée internationale des réfugiés. Ce groupe de réfugiés avait adressé au personnel du HCR une liste de questions que je les avais aidé à formuler. Les employés du HCR les ont informé, ce jour là, que des actions concernant une meilleure prise en charge avaient démarré au nord de la région Volta et devaient s’étendre au sud (dans leur zone), que le HCR était toujours en cours de négociation avec les autorités ghanéennes au sud . Il leur avait été également précisé que les rations alimentaires seraient améliorées d’un point de vue nutritionnel dès la semaine suivante (semaine du 27 juin).
Or depuis que je suis partie, notre partenaire togolais nous a contacté par téléphone portable et par mail pour nous informer que rien de plus n’avait été fait concernant l’amélioration de la ration alimentaire et surtout que les réfugiés n’ont revu aucune personne du HCR depuis le 20 juin. Du coup, les réfugiés recommencent à s’inquiéter et craignent que les explications rassurantes qui leur avaient été données le 20 juin ne soient pas suivies d’effets.
Voici un article que j’ai trouvé tout récemment sur le site du HCR
Togo: Over 3,000 fled to Benin and Ghana in June
This is a summary of what was said by UNHCR spokesperson Ron Redmond – to whom quoted text may be attributed – at the press briefing, on 1 July 2005, at the Palais des Nations in Geneva. The total number of refugees from Togo who have fled to neighbouring Benin and Ghana has reached 38,492, compared to 35,012 at the end of May. This total includes 23,221 refugees in Benin and 15,500 refugees in Ghana.
In Ghana, where virtually all refugees are staying with host families, UNHCR and its partners are continuing to provide targeted material assistance to refugees and their host families and communities to ensure this situation is sustainable. In the Aflao area, adjacent to Togo’s capital, Lomé, and where the majority of refugees crossed into Ghana, UNHCR and local authorities are preparing to carry out a house-to-house survey from 7-9 July to verify exact numbers of refugees in the area and their needs.
Story date: 1 July 2005
UNHCR Briefing Notes
Que signifie concrêtement l’étude qui va être menée du 7 au 9 juillet par les soins du HCR pour l’amélioration des conditions de vie des réfugiés ?
Le HCR envisage t-il la mise en place de solutions durables telles que :
– l’organisation d’activités génératrices de revenus ?
– la formation des réfugiés pour l’apprentissage d’un métier ?
– l’installation de dispensaires accompagnées de formations des réfugiés pour s’en occuper ?
– l’octroi de terres à cultiver pour que les réfugiés atteignent l’auto suffisance alimentaire ?
– l’installation de salles de classes (avec le matériel nécessaire) pour que les enfants reprennent leur scolarité (comme celà a été mis en place par l’UNICEF au Bénin). A ce sujet, il y a dans le groupe des réfugiés de Penyi un directeur d’école à la retraite, ancien enseignant, un professeur de collège et d’autres personnes compétentes qui pourraient prendre en charge l’éducation des enfants si on leur donnait les moyens de le faire
Bref le HCR envisage-t-il de faire ce pour quoi il a été créé ?
J’ai été particulièrement choquée par ce que j’ai vu dans les camps et par la façon dont certains membres ghanéens du HCR traitent les réfugiés. Je les ai vu se rendre dans le camp de réfugiés, rester dans leurs voitures (de gros 4/4 flambants neufs) et faire appeler les délégués des réfugiés pour leur transmettre des informations puis repartir sans se donner la peine de prendre des nouvelles ou d’évaluer les besoins.
Les réfugiés que j’ai rencontrés m’ont tous fait part de leur ferme intention de ne pas retourner au Togo malgré les difficultés qu’ils rencontrent au Ghana.
Je vous ai écrit en espérant que vous pourrez publier mon témoignage car j’ai pensé qu’il était de mon devoir d’informer les médias, et ainsi l’opinion publique, du sort que subissent en silence et dans l’indifférence la plus totale les milliers de réfugiés togolais au Ghana. A l’heure où beaucoup de personnalités s’agitent pour manifester leur indignation contre la pauvreté en Afrique en organisant des spectacles politico-humanitaires à la veille du sommet du G8 en Ecosse, cette information pourra peut être les intéresser ?
Myriam COLLADO
* Présidente de l’association ATOLLS
(Association TOuLouse Lomé Solidarité)
142, avenue de Castres
31500 TOULOUSE
FRANCE
atolls31@yahoo.fr
**Atolls est une petite association de solidarité internationale créée en 2003, dont l’objectif est l’aide au développement au Togo. Grâce à l’adhésion d’une quarantaine de membres, elle soutient des projets dans le domaine de l’éducation, l’agriculture, la prévention sida. Ainsi depuis sa création elle a aidé des écoles togolaises à s’équiper en matériel scolaire et à mettre en place des bibliothèques scolaires. Elle a contribué à la création d’un élevage comme activité génératrice de revenu auprès d’une communauté rurale togolaise.
Dans le domaine de la prévention contre le sida, elle envoie du matériel (préservatifs, affiches, documents d’information) pour appuyer l’organisation de campagnes de sensibilisation à la lutte contre le sida en milieu urbain et rural. En France, Atolls participe à l’éducation au développement en créant des outils d’animation destinés à sensibiliser les enfants de 8 à 11ans.
More Stories
Le décès du révérend FADA DOVI : La marque et la trace
In memory de Mouta Gligli-Amorin: Homélie du Père Aubin Amegnikou
Togo- COVID-19 GATE : les OSC montent au front